Histoires particulières

Nous relatons ici, en annexe à l’article « Conscrits », la vie plus approfondie de quelques soldats et aussi de leur famille avant, pendant, et après la guerre. Vous trouverez donc par ordre alphabétique l’histoire de :

N’hésitez pas à nous contacter si vous possédez des documents sur d’autres soldats de Pussay ou des alentours.

 

Pierre BOUILLON et Paulin LEBÉ

Le 4 octobre 1889, Désiré Augustin Bouillon, journalier âgé de 44 ans demeurant à Chalou-Moulineux, déclare la naissance de fils jumeaux nés « aujourd’hui, en son domicile à trois heures du matin, de sa fille Marie Clotilde Bouillon, domestique âgée de 16 ans et demeurant chez ses parents » et auxquels enfants ont été donnés les prénoms de Pierre Alphonse et Louis Joseph.

Louis Joseph décède le 23 mars 1891. Marie Clotilde reconnaît Pierre Alphonse le 16 avril 1896, ce qui lui permet de porter à l’avenir le nom de Bouillon. Marie Clotilde se marie le 28 juillet 1892 avec Alexandre Lebé, entrepreneur de battage à Pussay. Le 30 novembre 1895, Alexandre décède, laissant Marie Clotilde seule avec deux enfants : Paulin Albert né en 1893 et Pauline Marie née en 1894. De son côté, Maurice Lebé, le frère d’Alexandre, vient de perdre sa femme Eudoxie Aurélie Alliaume le 3 octobre 1895 et reste seul lui aussi avec trois petites filles. Les deux veufs se rapprochent et leur mariage a lieu le 27 mars 1897. (Pour de plus amples détails sur l’entreprise de battage Lebé-Bouillon, voir l’article « Agriculture »).

Lorsqu’il passe le conseil de révision en 1910, Pierre Bouillon a les cheveux roux et les yeux bleus, un visage ovale et il mesure 1,60 m. Il est incorporé soldat de 2e classe le 5 octobre 1910 au 106e Régiment d’Infanterie. Un certificat de bonne conduite lui est accordé et il passe dans la disponibilité le 25 septembre 1912.

Bouillon Pierre Alphonse 106ème groupe

Pierre Bouillon au 106e R. I., 2e rang, 1er sur la gauche, agrandi dans le médaillon à gauche

Bouillon Pierre Alphonse 106e RIBouillon Pierre Alphonse 106ème nouvel uniforme

Pierre Bouillon, au centre, dans son nouvel uniforme du 106e R. I.

Peu avant la guerre, l’entreprise de battage est gérée par Pierre Alphonse Bouillon qui en est le chauffeur, et il se marie le 3 mars 1913 avec une demoiselle Fauconnier.

Il est mobilisé le 4 août 1914, soldat de 2e classe au 4e régiment de zouaves de marche 41e Cie. (Voir aussi l’article « Conscrits » pour une autre photo)

Bouillon Pierre Alphonse 4e zouave

Le 4e régiment de Zouaves participe à la bataille perdue de Charleroi, puis à l’offensive de la Marne et débarque le 29 octobre 1914 en Belgique à Furnes. C’est de la Belgique que Pierre Bouillon adresse de nombreuses cartes à sa femme.

retranchement belgeretranchement belge verso

Au verso de la carte : « 12 avril 1915, 2 heures du soir, 76e lettre, bord de la mer. Tu vois, les tranchées que nous avons sont comme celles que je t’envoie et puis où je t’ai fait une croix c’est l’endroit où l’on couche comme matelas c’est notre toile de tente et des sacs que l’on trouve. J’ai reçu ton colis mon ange je te remercie surtout de mon rasoir et de l’abeille, et puis ma flanelle il était temps, je n’en avais plus sur le dos et j’attends l’autre que tu me dis avec la montre. Je te dirais aussitôt que je l’aurais reçu. J’ai reçu tes 5 f, je te remercie. Ton petit homme Pierre Bouillon 4e zouave 43e Cie ».

prisonnier allemandprisonnier allemand verso

Carte n° 77 datée du 13 avril 1915 de Belgique toujours : « Chère petite femme chérie adorée, en réponse à ta lettre N° 70 que j’ai reçu ce matin, et je t’en prie fais comme moi vis dans l’espérance et n’écoute pas ce que l’on peut dire, ça sera assez tôt de te frapper quand le malheur sera arrivé, si il arrive, autrement tranquillise toi, je suis dans un secteur très calme, du reste tu dois le voir par les journaux. Tu vois sur cette carte que l’on est plus civilisé que ces sales Boches, car on a encore pitié d’eux ».

Ces cartes sont numérotées pour que l’émetteur et le destinataire soient bien sûrs de toutes les recevoir. Pierre écrit tous les jours à son épouse pour lui donner de ses nouvelles et il attend ses lettres avec impatience pour avoir lui aussi des nouvelles du pays. Il est aussi heureux de recevoir le journal local l’Abeille-Réveil qu’elle lui a envoyé dans son colis, qui va également lui procurer les nouvelles et l’occuper pendant les longues heures qu’il passe dans les tranchées ou dans son cantonnement.

ZouaveZouave verso

Le secteur n’est pas aussi calme qu’il veut bien l’écrire à sa femme, car dans sa 85e lettre datée du 21 avril 1915, 6 heures du soir, Belgique, il écrit « Chère petite femme, deux mots avant de monter aux tranchées dans une heure, je n’ai pas encore reçu de lettre de toi aujourd’hui, c’est bien dur mon ange, moi qui t’écris tous les jours. Mille baisers mon amour chéri. J’ai acheté tout ce qu’il me faut pour monter aux tranchées… ».

L’historique du 4e régiment de zouave numérisé par Jérôme Charraud nous donne un aperçu de la bataille qui se livre alors :

« Le 23 avril, à 5 heures du matin, les bataillons Pruneaux et Bonnery, au repos à Coxyde, sont alertés, vont à pied jusqu’à Furnes, sont embarqués en chemin de fer, débarquent au Lion Belge, près de Woesten, et sont jetés à 15 heures en pleine bataille.

La veille, les Allemands, employant pour la première fois un procédé d’attaque qui nous deviendra bientôt familier, ont fait une émission de gaz, se sont rués à l’assaut et ont réussi à percer notre ligne tenue par la …° Division territoriale, au Nord d’Ypres. Le temps presse, la brèche s’élargit, il faut coûte que coûte empêcher les Boches d’exploiter leur succès. Les deux bataillons qui doivent occuper le terrain au Nord de Zuydchoote arrivent à temps pour boucher le trou formé entre l’armée belge et les débris de la …° Division. A 17 heures, ils font front devant Lizerne et Strestraate, et la ligne, ligne bien mince il est vrai, est reformée. On cherche les liaisons, les mitrailleuses sont installées, les Allemands n’iront pas plus avant.

La nuit, une nuit noire qu’éclairent les lueurs des fermes belges en flammes, se passe sans incident. Le 24 à 4 heures, le Bataillon Bonnery attaque en direction de Lizerne, avance de 300 mètres mais décimé par des mitrailleuses, ne peut pousser plus avant. Le Sous-Lieutenant Trinquart, âgé de 60 ans, un ancien de 70, le Lieutenant Pretrel sont parmi les morts.

Pendant les journées des 24 et 25 avril et dans la matinée du 26, les bataillons s’installent, s’enterrent, organisent le terrain en dépit d’un violent bombardement. La 9e Compagnie subit des pertes sensibles. Les Lieutenants Soulié et Rey sont tués par le même obus.

Ces pertes ne font qu’irriter les Zouaves et excitent leur ardeur ; des patrouilles sont lancées, des reconnaissances très mordantes font des prisonniers, s’assurent que le village de Lizerne est fortement tenu et le 26 à 15 h. 30, après une préparation d’artillerie courte mais violente, le 3e Bataillon reçoit enfin l’ordre d’attaquer.

Dans le crépitement de la fusillade, soudain allumée avec un entrain endiablé, les hommes en chéchia kaki s’élancent, bondissent dans les hautes herbes. L’instant est enfin arrivé où l’on va pouvoir rendre aux gens d’en face tout le mal qu’ils ont fait. Les gaz tuent, mais les baïonnettes aussi. La première tranchée allemande est atteinte, ses occupants, en dépit de leurs supplications ne sont bientôt plus que des cadavres. Les Zouaves règlent leurs comptes !

Le Lieutenant Pellegrin, qui excite les hommes, est tué raide d’un coup de pistolet en pleine figure; l’Aspirant Derivaux, près de lui a le même sort. Ils seront bientôt vengés !

Le Bataillon se reforme au-delà de la tranchée, et, renforcé par la 11e Compagnie, repart à l’attaque du village. Les premières maisons sont atteintes. On se fusille à bout portant. Dans les tranchées, dans les boyaux, de part et d’autre des pare-éclats, pendant 10 minutes, c’est une lutte acharnée, terrible. Le Sergent Houet, le Lieutenant R. d’Humières, les Caporaux Riffet, Balussou, le soldat Valero tombent en entraînant leurs camarades, mais les Zouaves ont juré qu’ils auraient le village et ils tiennent parole. A 16 h. 30 ils en occupent les dernières maisons; 2 Mitrailleuses, 130 prisonniers, soldats d’infanterie et chasseurs Wurtembergeois restent entre leurs mains. Ce beau succès venant après les journées de Nieuport, si dures, si déprimantes, surtout au point de vue moral, contribue pour beaucoup à redonner aux hommes cette maîtrise de soi-même, cette confiance dans leur valeur, qu’un long séjour dans les tranchées semblait avoir diminuées.

Du 26 avril au 4 mai, les deux bataillons occupent successivement le village que les Boches, furieux de leur échec, bombardent effroyablement; nous avons encore des pertes et ce ne sera qu’une poignée d’hommes que le 418e R.I. relèvera dans la soirée du 4. Les débris des deux bataillons rentrent le 6 à Coxyde; la population qui a appris leur magnifique succès et en comprend la portée, leur fait une réception enthousiaste ».

Pierre Bouillon est cité à l’ordre du régiment le 29 janvier 1916 : « Agent de liaison du 21 au 24 janvier 1916. S’est montré d’un courage à toute épreuve en assurant sous un violent bombardement la liaison entre sa section et son commandant de compagnie le 29 janvier 1916 ».

Voici un extrait de l’historique du 4e régiment de zouave numérisé par Jérôme Charraud :

« Le bombardement du 21 janvier [1916] fut effectué par le régiment. A peine était-il déclenché que les Boches répondirent avec fureur et avec une violence inaccoutumée, si bien qu’il fut impossible à nos bombardiers de tirer tous les projectiles prévus.

La nuit fut calme cependant, mais le 22, dès l’aube, les Boches commencèrent à battre les boyaux et points de passage avec des pièces de campagne.

Le 23, l’artillerie allemande fut plus active encore. Il était de toute évidence qu’elle réglait son tir ; aussi personne ne fut très surpris quand le 24 à 10 heures 40 le « Trommerfeuer » se déclencha. Tout le monde s’y était préparé depuis deux jours. Il surprit cependant et par sa violence et par la proportion de gros projectiles qui s’abattaient sur les tranchées françaises. Jamais le régiment n’avait vu chose semblable et de fait, les pilonnages les plus forts de 304 et de Vaux-Chapitre qu’il eut à subir par la suite ne dépassèrent point en intensité ce bombardement précurseur des méthodes violentes que les Allemands, allaient employer à Verdun.

A 13 h. 30 il y eut un brusque arrêt, un silence impressionnant succéda au vacarme; personne cependant ne se laissa prendre au piège et à part quelques guetteurs, tout le monde resta dans les abris.

A 13 h. 40, le tir de l’artillerie allemande reprit, il était accompagné cette fois d’un tir de minens tel que nul ne se souvenait en avoir vu de semblable. Partout les torpilles tournoyaient, et la fumée était si épaisse que

Les hommes avaient la sensation d’être perdus, séparés irrémédiablement les uns des autres dans cet enfer où cependant il fallait rester. Les segments les plus battus étaient ceux de la Plage de la Grande Dune et du Polder, et c’est sur ceux-là que les Boches, vers 16 h. 30, lancèrent leur attaque. Attaque bien timide à la vérité, car à part une dizaine d’hommes qui sortirent devant la Grande Dune et une quarantaine qui purent arriver jusqu’à la tranchée du Polder, personne ne bougea dans les tranchées allemandes ; notre tir de barrage clouait les assaillants sur place. Ceux du Polder furent facilement repoussés après une courte lutte, par une contre-attaque de la 15e Compagnie. L’attaque du 24 janvier comme celle du 9 mai 1915 avait échoué. Le terrain laissé à la garde des Zouaves restait inviolé.

Si les pertes du régiment furent sensibles, celles des Allemands furent plus sérieuses encore. Ils eurent ce jour-là, nous l’apprîmes par la suite, plus de 900 hommes hors de combat. Nos tranchées étaient complètement bouleversées, les boyaux n’existaient plus, il fallut les refaire, remonter les parapets, replacer les défenses accessoires. Les Boches qui avaient à panser des blessures autrement sérieuses que les nôtres, nous laissèrent travailler en toute liberté.

Le 20 avril, le régiment quitte la Belgique, les Dunes, Nieuport-Bains ! Et après un alerte défilé au milieu de toute la population de Coxyde, accourue pour lui dire adieu, est embarqué dans des camions autos à destination de Dunkerque et de sa banlieue.

Pendant 14 mois, en dépit des conditions matérielles inférieures, n’ayant au début même pas de grenades à envoyer aux Boches qui leur lançaient des torpilles hautes de plus d’un mètre; sans abri, sans tranchée, dans l’eau et la boue, impassibles, les Zouaves avaient tenu ce petit coin de Belgique, d’un pays qui n’était pas le leur, l’avaient défendu avec fureur, avec acharnement quand par deux fois le Boche avait voulu le prendre. Il représentait cependant bien des peines, bien des souffrances, bien des tristesses, n’importe ! Ils le quittaient avec regret, car trop de ceux que l’on avait connus, appréciés, aimés, y dormaient leur dernier sommeil sous leurs petites croix de bois qui avaient remplacé dans tant de jardins les rosiers de Belgique ».

 

Il décède de ses blessures le 9 juin 1916 à l’ambulance 3/5 de Froidos dans la Meuse. Son décès est transcrit le 4 octobre 1916 à Congerville. Il reçoit la médaille militaire à titre posthume le 12 décembre 1920 avec cette citation : « zouave courageux et dévoué, blessé mortellement à la cote 304 le 9 juin 1916 en faisant vaillamment son devoir », croix de Guerre avec étoile de vermeil. Son nom figure également sur les monuments aux morts d’Angerville et de Pussay.

Toujours extrait de l’historique du 4e régiment de zouave numérisé par Jérôme Charraud, voici les événements qui se sont passés le 9 juin 1916 :

« Les journées du 5 au 9 [juin 1916] se passent sans attaque d’infanterie et les communiqués sans doute n’enregistrent pour ces jours-là que la phrase laconique : « Sur la rive gauche de la Meuse, actions d’artillerie ». Mais ceux qui n’ont pas vu ! Ceux qui n’ont jamais été de la mitraille ne peuvent s’imaginer ce qui, à Verdun, s’appelait actions réciproques d’artillerie ! Tous les jours la liste des morts et des blessés s’allonge, les camarades disparaissent un à un et sans attaque, les Compagnies sont déjà réduites de moitié.

Le 9, vers 10 heures, le bombardement allemand, qui n’arrête jamais, devient plus violent. A 11 heures, il atteint toute son intensité, c’est un véritable feu roulant que scandent les éclatements déchirants des torpilles et des 280. Le tir de l’artillerie allemande est surtout concentré sur le bois Camard, le sommet de la Cote 304 et la tranchée du Bec. Le 3e Bataillon subit des pertes sérieuses, il a de nombreux tués et le feu est tel qu’on ne peut songer à évacuer les blessés. Le Sous-Lieutenant Adant, de la 12e Compagnie, qui a une conduite admirable depuis le début du bombardement et ne cesse de circuler dans la tranchée où se trouve sa section, réconfortant les uns, riant avec les autres, soutenant tout le monde par son courage et son moral extraordinaire, est tué par une torpille qui ensevelit le Sergent Nondedeu et trois Zouaves de sa section.

Vers 15 heures, un obus de 280 arrache le bras gauche du Lieutenant Guerrieri, commandant la 11e Compagnie, et qui était connu de tout le régiment pour sa bravoure et son étonnante audace. Le Sous-Lieutenant Durand se porte à son secours, le ramasse dans la boue, panse l’horrible blessure. Guerrieri, les dents serrées, ne songe pas à son mal, il se sait perdu pourtant. Toute sa pensée est à sa Compagnie, à ses hommes qu’il aime tant; tiendront-ils, tout-à-l’heure, sans leur Chef, quand l’attaque allemande se produira ? Si la 11e reculait !! Il crie à ses soldats sa dernière recommandation : « Mes amis, faites toujours comme si j’étais parmi vous ! ». Ce sont ses derniers mots, un nouvel obus lui ouvre le crâne et tue à ses côtés le Sous-Lieutenant Durand. Il n’a pas parlé en vain, sa prière est sur toutes les bouches et tout à l’heure, devant les calots gris, les Zouaves de la 11e montreront qu’ils l’ont comprise. Voilà six heures que dure ce bombardement infernal. Six heures qu’on compte par lambeaux de minutes, la gorge sèche, les yeux brûlés par la fièvre. Qu’ils sortent, qu’ils attaquent, que l’on se batte enfin, mais que finisse ce cauchemar !

16 h. 30 ! Enfin ! Le cri d’alerte des guetteurs jette tout le monde au parapet, les Boches arrivent, précédés de lance-flammes, ils ne sont plus qu’à 50 mètres de notre ligne Trop tard ! Jamais ils ne l’atteindront ! Debout sur la tranchée pour mieux viser, hurlant la Marseillaise, les hommes de la 9e Compagnie, leur Capitaine en tête, abattent les deux premiers « Flamen ». Les mitrailleuses se mettent de la partie, les Allemands tombent de tous côtés ou refluent vers leurs lignes; ceux qui se sont couchés dans les trous d’obus resteront jusqu’au soir sous la menace de nos fusils. Ce beau succès était chèrement acheté ; les pertes du 3e Bataillon étaient sévères.

Les journées suivantes sont plus calmes, seul le bombardement du Ravin de la Hayette et du ravin en arrière de 304, connu sous le nom de Ravin de la Mort, continue, rendant très pénibles et très dangereuses les corvées de ravitaillement et les évacuations de blessés. Il ne se passe pas de jour sans qu’un nouveau cadavre ne s’ajoute à tous ceux qui bordent la piste suivie par les Zouaves ». Parmi ces morts se trouvait Pierre Alphonse Bouillon.

La liste des morts de ce régiment donnée en fin de l’historique est impressionnante. Le nom de Pierre Bouillon est cité dans la liste des Sous-Officiers, Caporaux et Zouaves décédés dans les hôpitaux et formations sanitaires.

Les maires sont priés d’avertir, « avec tous les ménagements désirables », les familles du décès de leur proche. Ci-dessous, les avis aux maires d’Angerville et de Pussay, ainsi que la recopie, sur un papier à en-tête de l’entreprise de battage Pierre Bouillon, de l’attribution de la médaille militaire.

Bouillon Pierre Alphonse - 1919 04 19 copie d'avis de décès Angerville

Bouillon Pierre Alphonse - 1919 08 14 Avis de décès PussayBouillon Pierre Alphonse - 1919 05 08 décès _citation

 

A la fin de la guerre, la question du rapatriement de son corps se pose. Pour éviter les exhumations clandestines, l’article 106 de la loi de finances du 31 juillet 1920 reconnaît « que les veuves, ascendants ou descendants des militaires ou marins morts pour la France ont droit à la restitution et au transfert, aux frais de l’État, des corps desdits militaires ou marins qui ont pu être identifiés ». Un décret en date du 26 septembre en fixe les conditions. Les transferts de corps seront effectués à partir du 1er décembre 1920. Les victimes doivent être décédées entre le 2 août 1914 et le 24 octobre 1919. L’État prend à sa charge : « …l’exhumation, mise en bière hermétique, transport collectif par route et par voie ferrée du premier lieu d’inhumation jusqu’au cimetière désigné par la famille, réinhumation dans ce cimetière ». Un service de « restitution des corps de soldats morts pour la France » est institué pour le contrôle et la direction des opérations. Les représentants du service militaire de l’état civil procèdent à l’identification des victimes. Des avis individuels sont envoyés aux familles et le maire de la Commune est informé par télégramme de la date et heure de l’arrivée du convoi funéraire ainsi que des noms des soldats. Les demandes doivent être faites par les veuves, les ascendants ou descendants.

La mère de Pierre Bouillon souhaite très vite faire rapatrier son corps. Ce dernier ayant été identifié et se trouvant dans le cimetière de Froidos, il est possible de le faire rapatrier, ainsi que l’expose la lettre adressée par le sous-lieutenant Biberon du secteur de Sainte-Menehould dont dépend Froidos, à sa mère le 27 juillet 1920 :

Bouillon Pierre Alphonse - 1920 07 27 exhumation ste Menehould

Il faut cependant qu’elle en fasse la demande et qu’elle y soit autorisée. Or les exhumations se font par zones de champs de bataille. Le 15 septembre 1920, le ministère l’y autorise, mais lui conseille d’attendre que les opérations normales d’exhumation se fassent dans le secteur de Froidos, afin de pouvoir bénéficier des conditions de restitution et de transfert des corps aux frais de l’Etat, telles qu’exposées dans l’article 106 de la loi de finances ci-dessus. Si elle souhaite aller plus vite, l’exhumation et le transfert seront à sa charge.

Bouillon Pierre Alphonse - 1920 09 15 R demande exhumation FroidosBouillon Pierre Alphonse - 1920 09 15 V demande exhumation Froidos

 

Cette restitution va par ailleurs être retardée, car la veuve de Pierre Bouillon a également fait une demande de son côté et, face aux deux demandes, le 15 février 1922, le ministère des pensions se déclare incompétent pour trancher la situation et conseille de faire appel au tribunal civil de l’arrondissement, qui déterminera par jugement, l’ayant droit à la restitution du corps. En même temps il suggère que si un accord était établi, il suffirait de lui adresser le désistement légalisé de l’une en faveur de l’autre.

Bouillon Pierre Alphonse - 1922 02 15 2 demandes transfert du corpsBouillon Pierre Alphonse - 1922 02 16 transfert du corps

Très vite, dès le 16 février, la mère renonce à sa demande au profit de celle de sa belle-fille, ce dont le ministère tient compte.

Il est probable que Pierre Bouillon ait été réinhumé au cimetière d’Angerville. Sa veuve se remarie à Angerville, le 3 novembre 1923, avec l’oncle de son mari : Félix Désiré Bouillon. Elle décède le 25 juin 1972 à Sermaises-du-Loiret.

 

Paulin LEBÉ

De son mariage avec Alexandre Lebé, Marie Clotilde a eu un fils : Paulin Albert né le 31 mars 1893. Il est chauffeur comme son demi-frère Pierre Bouillon et lorsqu’il passe le conseil de révision, il a des cheveux châtains, des yeux bleu gris et mesure 1,65 m. Il est incorporé à compter du 27 novembre 1913 au 151e Régiment d’Infanterie et il est célibataire.

Lebé Paulin

Paulin Lebé

Le 2 novembre 1914, les 1er et 2e bataillons du 151e Régiment d’Infanterie « sont dirigés vers Costkerke où ils doivent se trouver à 7h30… A 10h le régiment passe les ponts sur l’Yser à l’ouest de Dixmude, derrière le 8e bataillon de chasseurs qui attaque le château (1km5 de Dixmude)… Nos compagnies ont pu progresser en subissant des pertes, mais elles n’ont pu dépasser les tranchées déjà occupées…

 3 novembre, l’attaque doit se continuer au cours de la journée. La position ennemie est très forte. Nos Compagnies de première ligne qui se sont retranchées pendant la nuit sont à 350 m environ des positions ennemies. Toute la journée elles subissent une violente canonnade de l’artillerie ennemie qui les prend d’enfilade. Notre ligne appuie par ses feux de mousqueterie et de mitrailleuses, l’attaque du château par le 8e bataillon de chasseurs ; cette attaque ne peut d’ailleurs progresser.

Les retranchements faits la nuit ne sont pas assez forts pour abriter nos compagnies de première ligne qui subissent des pertes très sensibles, tant par les projectiles d’artillerie que par les feux d’infanterie. Ordre de stationnement. Pas de changement…

 4 novembre, l’ordre d’opération comprend à nouveau l’attaque de la position ennemie. L’objectif est le château qui doit être attaqué par le nord par le 8e bataillon de chasseurs et par l’ouest par la 83e brigade qui doit franchir des passerelles sur l’Yser, sous la boucle de Saint-Jacques- Capelle.

Le régiment a pour mission de couvrir le débouché face à l’est. De 6h30 à midi, notre première ligne tient l’ennemi sous son feu. A midi, le bataillon qui était annoncé, n’arrive pas et est remplacé par le bataillon de tirailleurs qui doit appuyer notre attaque.

Ce bataillon fait son mouvement très vite de sorte que les deux compagnies du 2e bataillon qui devaient être engagées, ne peuvent l’être par suite de la densité des troupes qui progressent par la route d’Essen, seul cheminement possible.

14h, malgré une fusillade nourrie de notre ligne, les tirailleurs ne peuvent l’atteindre et ne peuvent déployer qu’une compagnie et demie qui subit des pertes sérieuses… ».

Ce jour-là Paulin Lebé disparaît à Dixmude en Belgique. Il est déclaré « Mort pour la France » par jugement du tribunal d’Etampes du 11 janvier 1921, transcrit à Pussay le 23 avril 1921.

Lebé hommage

Hommage de la Nation à Paulin Lebé

Les parents de Paulin Lebé, Maurice Lebé et Marie Clotilde Bouillon, et de Pierre Bouillon, fils naturel de cette dernière, tous deux tués à la guerre, reçoivent la notification de leur pension le 4 juin 1929. Ils sont alors âgés de 63 et 56 ans et touchent 800 francs annuels plus 100 francs de majoration « attribuée pour un enfant décédé à partir du deuxième inclusivement » avec jouissance à partir du 12 décembre 1927.

Carnet Pension Lebé CouvertureCarnet Pension Lebé Intérieur

Carnet de pensions aux ascendants de militaires

Sources :

Fiches matricules, archives départementales des Yvelines en ligne

Registre d’état civil, archives départementales de l’Essonne en ligne

Tous les autres documents et photographies relatifs aux familles Bouillon et Lebé, nous ont été transmis par François Rebiffé, que nous remercions infiniment.

Retour en haut

.

André GUILLOT

André Désiré Noël Guillot naît le 29 décembre 1891à Poinville dans l’Eure-et-Loir, d’Antoine Amédée Henri, 26 ans, cordonnier, et de Célénie Eloïse Bouchard, 30 ans, sans profession. Il devient lui-même cordonnier. Lorsqu’il passe le conseil de révision, il a les cheveux châtain foncé, les yeux gris et il mesure 1,74 m. Il arrive au corps le 10 octobre 1912 au 82e Régiment d’Infanterie et se trouve donc directement engagé dans la guerre.

Voici l’intégralité du journal qu’il tient pendant la guerre :

Août 1914

5 août 1914 : départ 8 h pour Malesherbes, Corbeil, Melun, Nogent-sur-Seine, reçu café et eau alcoolisée ; arrivé Lérouville le 6 août à 5 h. Douze ou treize kilomètres à pied pour aller à Saint-Mihiel, couché caserne chasseur.

7 août : Saint-Mihiel à Buxières, à 18 km de la frontière, cantonné dans une ferme, pris la garde d’un pont.

8 août : revenu à Buxières l’après-midi.

9 août : fait des tranchées jusqu’à 10 h, parti à midi, arrivé à 1 h du matin à Dieue-sur-Meuse, fait environ 35 km par forte chaleur.

10 août : reparti à 6 h du matin pour Ancemont, fait peu de chemin.

11, 12, 13 août : cantonné à Ancemont.

14 août : parti à 1 h, passé près de Verdun, arrivé à Ornes à midi, fait une heure grande halte et une heure repos avant d’entrer au patelin, fait une trentaine de kilomètres.

15 août : cantonné à Ornes, fait tranchées.

16 août : fait exercice le matin, parti à 10 h, la section formant un poste de liaison entre le 4e et le 5e corps jusqu’au lendemain. A 10 h, couché sous un abri, il tombe de l’eau et il fait froid.

17 août : couché à Ornes.

18 août : parti à 5 h 30 pour Grémilly à 4 ou 5 km.

19 août : fait exercice de combat le matin, dans la rosée.

20 août : exercice.

21 août parti à 6 h, arrivé à 3 h 30 dans un champ d’avoine sans avoir mangé. Reçu un orage, entré au cantonnement à 6 h 30, trempé en étant passé par Mangiennes et Longuyon. A Longuyon, les habitants nous donnent de l’eau rougie, de l’eau avec de l’absinthe et du sucre, de la confiture et des allumettes.

22 août : parti à 5 h, combat en Belgique près de Virton reculé devant l’artillerie. Fait des tranchées et couché auprès sur la paille en ayant très froid la nuit.

23 août : reculé, pris position pour la nuit en tirailleur en face d’un bois. L’artillerie française tire sur le 3e bataillon.

24 août : reculé, couché à la lisière d’un bois.

25 août : reculé, couché à côté des tranchées ; alerte pendant la nuit.

26 août : reculé le matin sans combat et sans poursuite de l’ennemi ; fait patrouille pour garder un pont. Deux compagnies sacrifiées pour couvrir la retraite ; arrivé au cantonnement à minuit sous la pluie.

27 août : reculé à un autre cantonnement à 4 ou 5 km. Leroux, une balle au bras ; Badingue, un éclat (écrit après cinq jours de bataille).

28 août : cantonné à Cunel. Reçu deux lettres, fait tranchée le matin et fait passage dans un bois pour l’artillerie avec le génie.

29 août : même cantonnement. Parti toute la journée dans les champs.

CarteLérouville

 

Parcours effectué par André Guillot : Lérouville – Saint-Mihiel – Buxières-sous-les-Côtes – Dieue-sur-Meuse/Ancemont – Ornes – Grémilly – Mangiennes – Longuyon – Virton (Belgique) – Cunel – Varennes-en-Argonne – Vauquois – Neuvilly-en-Argonne.

Septembre 1914

Du 30 août au 4 septembre : passé à Varennes.

5 septembre : reculé toute la matinée puis formé un avant-poste dans les bois.

6 septembre : bataille dans le bois, reculé.

Dans la nuit du 9 au 10, combat de nuit, reculé, il est tombé de l’eau toute la nuit.

10 septembre : rassemblement de la brigade.

11 et 12 septembre : resté sur place, très mauvais temps.

13 septembre : avancé un peu. Les Allemands reculent, on n’entend pas le canon.

Du 14 au 16, cantonné à Varennes ; reçu percutant sur la maison au moment où nous finissions de manger ; sauvé dans les champs avec Dubois, commandant de compagnie

17 et 18 septembre : pris avant-poste ; tombé de l’eau toute la nuit.

19 septembre : resté dans les bois, cantonné à Varennes.

20 septembre : resté à Varennes, envoyé une lettre.

21 septembre : avancé pour l’attaque d’un village, mais repoussé ; passé toute la nuit dans les bois.

22 septembre : reculé, resté à l’entrée de Varennes en attendant l’ennemi dans une tranchée.

23 septembre reculé au sud de Varennes, puis avancé à un petit patelin : Vauquois ; passé la nuit dans une maison.

24 septembre : pris position au nord du patelin : quatre dans un trou d’obus, deux tués dont le sergent Boton et un blessé que j’ai ramené. Le soir, avancé en tirailleur, puis pendant la nuit, nous sommes venus coucher à Boureuilles (plutôt Neuvilly), les autres avaient reculé.

25 septembre : resté à Lechère [probablement Lochères]

26 septembre : passé la journée dans les champs, beau temps, couché au pays.

27 septembre : parti dans les champs, fait cuisine avec Renaudot dans une ferme, couché au patelin.

28 septembre : même position, parti le soir coucher à la lisière d’une forêt en réserve, entendu fusillade.

29 septembre : relevé le soir, couché à Lechère

30 septembre : pris position dans la forêt, couché sur place

André Guillot fait partie de ceux qui sont restés dans le secteur de Varennes, Boureuilles, Vauquois, avec le 82e régiment d’infanterie

Octobre 1914

1er octobre : resté et couché à la même place, fait cuisine, froid aux pieds.

2 octobre : même position, vu artillerie de montagne à côté de nous, parti l’après-midi sur la droite pour empêcher d’être tournés, revenu coucher dans les tranchées. Tous les soirs, violentes fusillades.

3 octobre : même position, enterré les morts dans la forêt. Deux pièces d’artillerie de montagne : une de 75 à côté de nous, vive fusillade le soir.

4 octobre : même position, fait cuisine avec Renaudot. Vu Maurice Leroux, Villette et Norbert Michau, revenus du dépôt.

5 octobre : pris position le matin dans les tranchées en première ligne, toujours dans la forêt. On entend les Boches causer et piocher dans leurs tranchées et couper du bois. Le soir vive fusillade, les balles font sauter la terre sur nous, bu du thé.

6 octobre : même position. Le lieutenant réserviste qui nous commande depuis la veille est blessé dans le ravin en avant de nous. Le soir, fusillade à droite et à gauche, mais pas sur nous. Leroux est promu adjudant.

7 octobre : même position, rien de nouveau.

8 octobre : même position, très vive fusillade le soir. Le 2e corps devait attaquer, relevé pendant la nuit par le 3e bataillon.

9 octobre : resté dans la forêt sous des abris, gelée blanche le matin.

10 octobre : reçu une lettre et trois colis et la lettre au commandant de compagnie, commencé les tranchées pour souterrain.

11 octobre : même position, 5e escouade de piquet de 6 h à minuit, pris la garde avec Souème de 6 h à 9 h, arrêté le capitaine Stifen, froid aux pieds la nuit.

12 octobre : même position. Le soir, relevé le premier bataillon dans les tranchées en deuxième ligne (cholérine passée).

13 octobre : resté dans les tranchées, touché une paire de chaussettes et une flanelle, monté la garde de minuit à 1 h 30.

14 octobre : même place.

15 octobre : relevé à la nuit, très violente fusillade en arrivant au bas de la côte, resté couché dans le chemin en attendant, puis couché dans les abris qu’on avait du 10 au 12.

16 octobre : parti le matin avant le jour pour Lechère ? passé par la maison forestière, environ 12 km, les habitants suspects de communiquer avec les Boches par signaux, fait le café à l’entrée du pays, mangé à 2 h, Raffard tue un cochon.

17 octobre : nettoyage du cantonnement, exercice de montage de tentes.

18 octobre : revue en tenue de campagne à 14 h, touché le prêt 51 sous.

19 octobre : vu les deux Leroux et Michau Norbert, reçu deux lettres du 12 et 13 octobre.

20 octobre : parti le matin à 5 h 30 pour aller à 4 km dans la forêt sous des abris, couché avec Chalon et le clairon, reçu le paquet du 13 : deux paires de chaussettes, une boîte de sardine et un morceau de savon.

21 octobre : le premier peloton part le matin en soutien d’artillerie. La première section reste auprès des pièces, la deuxième revient en arrière à la lisière du bois et retourne auprès des pièces le soir. Pris la garde avec Renaudot de 11 h à minuit, reçu l’après-midi le paquet de 2 kg.

22 octobre : revenu le matin à notre emplacement, bu café au lait, thé le soir, changé de linge.

23 octobre : bu trois quarts de café au lait le matin, fait couper les cheveux et raser, reçu lettre du 17 octobre. Le soir, vu signaux lumineux.

24 octobre : touché chemise et savonnette.

25 octobre : Saint Crépin, pris petit poste au coin du bois sur la route à partir de 6 h, moi : de 7 h 30 à 8 h 30 et le soir de 6 h à 7 h et de 11 h à 12 h 15. Tombé eau la nuit, mouillé.

26 octobre : assisté à la dégradation de deux soldats.

27 octobre : commencé tranchée contre artillerie.

28 octobre : parti 4 h du matin dans la forêt pour soi-disant soutenir l’attaque de Boureuilles, fait patrouille fixe en arrivant avec Foucaut, Chalon et X, vu passer un gros chevreuil, vu un gros arbre coupé par percutant, commencé l’attaque après deux heures, réussi à nous déployer en tirailleur et à approcher assez près des tranchées ennemies, reçu pas mal de percutants sans beaucoup de perte. Le soir, débiné, puis revenu. Ma section est placée entre la 3e et la 6e compagnie, à droite de la route ; dans le fossé à côté, se trouve un cheval crevé. Avec Foucaut, Renaudot, les 2 X, mangé pain sec avec du chocolat.

29 octobre : resté dans le fossé, mangé vivres de réserve, parti le soir. La compagnie était partie depuis 11 h du matin, couché dans la forêt en attendant le jour.

30 octobre : parti au jour, retrouvé les autres au chemin croisé, soutenu artillerie de montagne, fait notre tranchée pour coucher, réveillé à 11 h à la disposition du 131 attendu jusqu’à 1 h, puis recouché. Vu Badingue et Michau Norbert.

31 octobre : hommes avec outils partis faire tranchée, attendu qu’on nous apporte à manger, rentré soir, touché caleçon.

Novembre 1914

1er novembre : autre équipe partie avec outils pour faire tranchée, reculé l’après-midi derrière la vallée.

2 novembre : rien de nouveau, troisième équipe aux tranchées.

3 novembre : première équipe aux tranchées, touché une raie de chocolat.

4 novembre : deuxième équipe aux tranchées.

5 novembre : une équipe aux tranchées, cherché effets boches l’après-midi.

6 novembre : aidé le génie à faire des tranchées pour deux pièces de 155 de long, changé de place de l’autre côté de la route, touché un petit bout de saucisson.

7 novembre : parti après la soupe reprendre l’emplacement où nous étions le 20, à 4 ou 5 km en arrière, rencontré en route vaguemestre, fait pause pour prendre colis et lettres, reçu un colis : bretelles, allumettes, x ?, vu les deux Leroux ; 11e et 12e compagnies à côté de nous.

8 novembre : devons partir dans la nuit pour aller en arrière, puis pas avant 5 h du matin, finalement on ne part pas.

9 novembre : bu chocolat au lait avec Leroux, remis mon soulier.

10 novembre : parti 4 h du matin pour Aubréville, passons par Neuvilly, cantonné dans une grange, chocolat 5 F le kg à la gare, sardines et fromage, acheté 12 cartes postales 8 sous, reçu colis Balez.

11 novembre : acheté camembert 26 sous, vu Lamazure, Corpéchot, devons partir à 22 h pour tranchées. Vu Ch. Corpéchot comme le 313 passait, G. Rémond était passé signer carte que M. Corpéchot envoie chez lui. Acheté un couteau à la gare à 19 h 30, 2 F 50, trois paquets de cigarettes, 1 F 50, une boîte de pâté, 1 F 25 et deux boîtes d’allumettes. Nous partons le soir à 10 h sous la pluie et grand vent, passons par Neuvilly, nous engageons dans les bois, marchons dans l’eau et la boue, nous sommes trempés, arrivons enfin à un abri après plus de deux heures de marche, sommes sur deux rangs : 5e et 6e escouades dans l’abri.

12 novembre : les cuisiniers sont restés à l’arrière, avons le jus le matin. Ordre de n’apporter la soupe qu’une fois par jour à 5 h du soir et le jus le matin à 4 h. Devons faire boyau reliant l’abri à la tranchée la nuit et dormir le jour. Dans la nuit, prenons la garde dans la tranchée : pris avec Gantet, rentré le matin avant le jour.

13 novembre : fini de couvrir notre abri, y couche la 5e escouade seulement (sur du friche)

14 novembre : commencé le boyau, il pleut toute la journée, un peu de grêle. Pris faction la nuit de 2 h à 3 h, gelé pendant la nuit.

15 novembre : il fait un peu soleil, mais il pleut la nuit et nous sommes mouillés dans la cabane.

16 novembre : la 5e escouade prend la garde au boyau au petit jour. Reçu colis. Il pleut toute la journée, nous sommes dans l’eau et la boue. Ça ne tombe plus pendant la nuit, il gèle un peu sur le matin.

17 novembre : revenus aux cabanes le matin couverts de boue. Il fait soleil et ne tombe pas d’eau. Nous passons une bonne nuit. Il gèle, crevasse aux pieds.

18 novembre : fait soleil chaud, mais vent froid.

19 novembre : il gèle. Nous passons la nuit à faire du feu dans la cabane, faisons deux fois café et une fois thé.

20 novembre : sommes relevés à 2 h du matin, sol très glissant, mettons beaucoup de temps à sortir des bois, arrivons à Jubécourt vers 10 h, couchons dans petite bergerie, avons chaud mais sommes serrés. J’achète un litre de bière 10 sous.

21 novembre : froid très vif, crevasses. J’achète un litre de vin blanc 22 sous.

22 novembre : sommes vaccinés contre la typhoïde au bras gauche, un peu malade, mal de tête le soir et la fièvre. J’achète du vin rouge, 18 sous, une demi-livre de gruyère, 1 F, trois boîtes de sardines à 16 sous, un kg de sucre 24 sous.

23 novembre : 1 kg de chocolat à un cycliste, 4 F 50, un journal, 2 sous.

24 novembre : une heure d’exercice matin et soir.

25 novembre : il tombe de la neige.

26 novembre : dégel, exercice le matin, revue le soir par le nouveau sous-colonel. La 5e escouade prend la garde aux issues la nuit.

27 novembre : dégel toujours. Passés à la 7e escouade, partons à 9 h 30 du soir reprendre nos emplacements, arrivons à 5 h du matin.

28 novembre : pris la garde en arrivant avec Dubois.

29 novembre : creusons des tranchées et abris, pris la garde la nuit de 9 h à 11 h et de 3 h à 4 h avec Vernottes, couché dans petit abri avec Dubois.

30 novembre : la 7e escouade change de place et prend la garde, suis sous abri avec Dubois, reçu deux colis : mixture eng. (sic), ceinture, cravate. Pris la garde avec Dubois à une tranchée en avant de 9 h à 11 h et de 4 h à 5 h 30. Reprenons la place de la 5e escouade le matin.

Décembre 1914

1er et 2 décembre : relevés à 3 h 30 du matin par la 2e compagnie, prenons la place de la 3e compagnie en arrière près de l’artillerie de 90. Fait beau temps.

3 décembre : il tombe de l’eau.

4 décembre : petit poste près de la rivière, arrêtons trois patrouilles de marsouins.

5 décembre : sommes relevés à 7 h du matin, allons à Jubécourt en passant par Neuvilly et Auzéville. Reçu pantoufles et genouillères.

6 décembre : sommes revaccinés.

7 décembre : revue en tenue de campagne d’alerte.

8 décembre : nous tenons prêts à partir pour 10 h, passons nuit dans le cantonnement.

9 décembre : rassemblés à 6 h, puis rentrés dans la grange.

10 décembre : exercice.

11 décembre : exercice matin, exercice pour poser fil de fer l’après-midi.

12 décembre : revue du général : système allemand pour traiter les hommes. Reçu colis Blin : chemise, caleçon, ceinture, passe-montagne, cache-nez, chaussette, gilet de laine, un quart de chocolat, une savonnette, le tout dans une serviette. Changé de linge.

13 décembre : reçu bande molletière. Partons à 19 h pour le bois à gauche et en avant d’où nous étions avant, passé par chemin épouvantable où nous enfoncions jusqu’aux genoux, pris la garde en arrivant avec Dubois.

14 décembre : resté dans la cahute souterraine.

15 décembre : formé petit poste la nuit.

16 décembre : reçu toile imperméable, partis à 19 h nous rassembler au bois noir et à 21 h pour tranchée Vauquois en passant par les boyaux.

17 décembre : beau temps, le cuisinier apporte à manger.

18 décembre : les cuisiniers ne viennent pas jusqu’à la nuit, avons les distributions un peu plus tard. Il pleut dans la nuit et je m’abrite avec la toile imperméable.

19 décembre : assez beau temps, très froid, il pleut dans la nuit.

20 décembre : il pleut toute la matinée, violente canonnade, tir des mitrailleuses : on attaque Boureuilles paraît-il. Reçu colis.

21 décembre : ordre du jour Joffre : l’attaque continue. Une pièce française nous envoie des percutants et l’un d’eux tombe dans notre tranchée à 7 ou 8 m de moi, mais personne n’est blessé. Il gèle blanc la nuit.

22 décembre : fait soleil. Poursuite d’un aéro boche par un français qui le mitraille à trois fois.

23 décembre : brouillard très froid. J’ai la cheville du pied gauche enflée. Sommes relevés la nuit. Ça demande beaucoup de temps. Revenons au bois noir.

24 décembre : tombe de la neige. Violente canonnade, nous tenons prêts à partir. Je porte des cartouches dans les tranchées de Vauquois.

25 décembre : fait soleil. Vais chercher colis aux cuisines et travaille à faire un boyau jusqu’à minuit.

27 décembre : le temps se remet à l’eau, très froid. Partons à 1 h du matin pour tranchées

28 décembre : passons la journée dans tranchée première ligne, tombe de l’eau, formons petit poste sur la route. Villette a été tué dans la journée.

29 décembre : passons journée dans petit poste, tombe un peu de grêle.

30 décembre : fait froid, recevons bombes qui démolissent le souterrain du génie, sommes relevés par la 6e, allons bois noir.

31 décembre : suis dans la cabane avec Vernotte, vais aux colis avec Pousin, j’entends le colonel 113 à l’avant-garde parler d’attaques.

L’hiver est très précoce et très rigoureux, il gèle jusqu’à moins 15°, les tranchées et les abris sont précaires et les premiers pieds gelés, baptisés plus tard pieds de tranchées, sont très nombreux. André Guillot le note dans son journal dès le 21 décembre. Il a lui-même les pieds gelés le 28 janvier 1915, ce qui est noté sur sa fiche matricule.

Janvier 1915

1er janvier : touchons une mandarine, une pomme, un cigare, deux raies de chocolat, trois morceaux de sucre et une bouteille de champagne pour quatre.

2 janvier : touchons six noix, quartier de mandarine, philopode [semble être un onguent pour les pieds]

3 janvier : partons 1 h du matin pour les tranchées, attaque de Vauquois à 5 h phare de Vauquois éclairé.

4 janvier : reçu colis du 28, tombe bombe dans première tranchée : un mort, cinq blessés. Dans la nuit, monté rouleaux de grillage contre les bombes.

5 janvier : rien

6 janvier : je pars le soir avec les éclopés.

7 janvier : sommes à Courcelles dans une porcherie, reçois colis et lettre Colas.

8 janvier : vais à la visite, couche à l’infirmerie.

9 janvier : visite, prends bain de pieds chaud, massage, achète boîte de dattes, 1 F 50.

10 janvier : achète une demi-livre de beurre, 1 F 05, bain, massage iodé.

11 janvier : achète confiture.

12 au 14 janvier : départ du régiment pour une destination inconnue (Argonne), je vais d’Aubréville à Clermont-en-Argonne en auto et à Lavoye en chemin de fer.

15 janvier : douche, visite

16 et 17 janvier : vu Rémond et Leroux M., mangés ensemble.

18 janvier : visite.

19 janvier : Leroux vidé.

20 au 23 janvier : visite pansement.

24 au 27 janvier : visite, évacué.

28 janvier : départ de Lavoye à 10 h du matin, arrivée à Clermont à 11 h, bu du bouillon, reparti à 1 h 30, arrivé à Saint-Dizier à 6 h 30, mangé dans la gare, reparti à 11 h.

29 janvier : passé à Châtillon-sur-Seine, mangé, puis Dijon, vu la cathédrale, puis Châlons-sur-Saône, midi, mangé, puis Lyon, arrivé à 5 h, mangé, reparti à 6 h, puis Nîmes.

30 janvier : arrivé à Montpellier vers 8 h du matin, vaccin contre le tétanos le 1er ou le 2 février.

Lorsque les parents de soldats blessés souhaitent leur rendre visite en zone occupée, le maire de leur commune doit leur délivrer un laissez-passer pour qu’ils puissent voyager. Le maire de Pussay en délivre un, le 28 janvier 1915, aux parents d’André Guillot, soldat au 82e R. I., « en traitement au dépôt des éclopés du 5e Corps d’armée » à Lavoye (Meuse).

Laissez passer 1915 rectoLaissez passer 1915 verso


Laissez-passer délivré le 28 janvier 1915 aux parents d’André Guillot, avec au verso le cachet du dépôt d’éclopés.

Le journal s’interrompt alors, pour reprendre le 24 mars 1915, date à laquelle il note « passé devant la commission de convalescence, parti le 27 au soir, arrivé le 28 à minuit ». Où ? notre soldat a oublié de l’écrire. Un mois plus tard, il rentre au dépôt et le 17 mai au « bouif », son métier de cordonnier l’y prédisposant. Mais le front le rappelle bien vite et le 27 août, il part de Montargis à 7 heures pour Clermont-en-Argonne, où il arrive le lendemain soir, arrêté en chemin par un orage et s’étant réfugié dans une écurie, pour être incorporé au 169ème régiment d’infanterie. Le 8 septembre il part à 23 h en voiture pour Florent, Vienne-la-Ville, La Harazee. Voici ce qu’il écrit :

10 septembre : parti en première ligne, même tranchée que les boches.

13 septembre : au soir, deuxième ligne.

Texte de sa lettre du 13 septembre 1915, où il trace un croquis de sa situation dans la tranchée commune avec les Allemands, à La Harazee :

«  J’ai reçu ce matin votre lettre du 10 avec la grandeur pour la bague mais je n’ai pas le temps pour le moment car nous sommes toujours occupés à quelque chose [il fait probablement allusion, là, à la bague de sa future femme]. Cette nuit nous avons tous veillé aux vicinaux ? jusqu’à 11 h puis 1 sur 2 jusqu’à 3 h du matin et ensuite tout le monde jusqu’au jour. Ça ne fait que 2 heures à se reposer et dans le jour il faut encore veiller, travailler à aménager la tranchée ou faire des corvées. On va chercher des sacs de terre, des créneaux, des gabions, grenades, pétards, de l’eau, du fil de fer, enfin on n’est jamais tranquille. Cette après-midi nous avons changé on est dans la 2e ligne. Je ne sais pas combien de temps on va y rester. On va peut-être être un peu plus tranquille qu’en 1ère. Cette nuit nous avons eu une petite alerte. Tout à coup, il a éclaté une violente fusillade, alors les 75 se sont mis à cracher comme des démons et les pétards et grenades, tout s’en est mêlé et vous pensiez si les fusées éclairantes ont marché aussi. On se serait cru en plein midi. La tranchée où nous étions en 1ère ligne est également occupée par les Allemands, on est séparé d’eux par deux barrages en sacs de terre. Maintenant pour faire des bagues, il me faudrait une petite lime demi-ronde si vous pouviez trouver ça à Pussay, vous m’en enverriez une ou à défaut un tiers-point car ici on ne peut pas trouver ça. Je vous embrasse de tout cœur.

A. Guillot

Nous n’avons pas reculé d’un kilomètre comme je vous l’avais dit, c’était un peu exagéré on a reculé d’environ la moitié. »

lettre 13 sept 1915 rectolettre 13 sept 1915 verso


Lettre du 13 septembre 1915 avec agrandissement du croquis de sa situation dans les  tranchées ci-dessous

lettre 13 sept 1915 agrandissement

Croquis d’André Guillot, où il montre la tranchée commune aux Allemands et aux Français à La Harazée (Meuse), avec l’ancien boyau conduisant aux tranchées, avec deux barrages en son milieu, l’un allemand, l’autre français. Une croix indique la situation où il était « hier » (dans la tranchée commune). Une autre croix (dans la tranchée à gauche de la tranchée commune) indique la situation où il se trouve « en ce moment »

Le 15 septembre, son bataillon et deux autres sont envoyés à l’arrière pour être embarqués en camions automobiles vers Florent-en-Argonne, puis le 21 septembre vers Moiremont. Il écrit :

15 septembre : au matin descendu en arrière, parti soir pour Florent embarqué en auto, arrivé Bulainville 16 au matin.

Reparti le 21 en auto, arrivé soir à Moiremont, couché guitoune.

24 septembre : après-midi touchons grenades et couteaux et montons en première ligne, arrachons les fils de fer pendant la nuit, sommes dans la deuxième tranchée.

25 septembre : attaque, blessé dans la première tranchée, pansé infirmerie, conduit en auto à l’ambulance 6-3. [Il a reçu des éclats d’obus au poumon gauche et risque un pyothorax, ou pleurésie purulente : épanchement de pus entre les deux feuillets de la plèvre].

A la date du 25 septembre 1915, les journaux des marches et opérations indiquent : « Le 169e forme l’aile droite de la 128e D. I. ayant pour mission de prendre d’assaut les tranchées ennemies. L’objectif est la ligne des batteries ennemies à la cote 184… Les bataillons d’attaque forment 4 vagues marchant à 50 m de distance, poussées par les 2 vagues du 1er bataillon. La compagnie de mitrailleuses doit suivre le mouvement et se former en position face à droite pour empêcher toute contre-attaque ennemie de déboucher du bois de la Grurie… A 9h15, la première vague franchit la tranchée de départ sous le feu de l’artillerie allemande. Le bataillon de droite trouve devant lui un réseau de fils de fer en partie détruit ; le bataillon de gauche n’a que quelques couloirs isolés pour se porter jusqu’à la tranchée allemande. Les premiers éléments arrivent à la tranchée allemande et continuent leur mouvement. Les deuxième, troisième et quatrième vagues suivent accueillies par un feu de mitrailleuses, la ligne d’attaque est rompue, le colonel est tué, le commandant du 2e bataillon est blessé, les cadres sont décimés, la moitié des sections n’ont plus de chefs… Le tir de barrage de l’artillerie ennemie augmente d’intensité, des sections entières sont disloquées et tourbillonnent. Les blessés nombreux reviennent en arrière et obstruent les boyaux 9, 10, 11 par lesquels arrivent les compagnies du 1er bataillon qui ont des difficultés très grandes à se placer dans les tranchées bouleversées et renfermant pas mal de cadavres et de blessés… Toutes les tentatives faites pendant la nuit pour essayer de se porter en avant par les boyaux de raccord restent infructueuses… ». André Guillot se trouvait là.

Suite de son journal :

26 septembre : ventouses et sérum antitétanique.

27 ou 28 septembre : ponction.

29 septembre : transporté à Sainte-Menehould, opéré, fait injections de morphine pour dormir.

4 octobre : transporté à Jean d’Heurs.

14 octobre : 40,1° de fièvre.

25 et 27 octobre : sorti deux éclats, un petit le 25, un plus petit le 27.

Toussaint : mis ventouses côté gauche pour rhume.

10 novembre : sorti un éclat plus gros.

20 novembre : quitté Jean d’Heurs, arrivé 21 au soir à Clermont, sorti le 28 décembre 1915.

HôpitalJeand'HeursEclats d'obus


Carte reçue par André Guillot à l’hôpital et éclats d’obus

Le 14 mars 1916 André Désiré Noël Guillot, ouvrier bonnetier, « actuellement caporal au 82e Régiment d’Infanterie à Montargis (Loiret) » épouse à la mairie de Pussay « Méloé Françoise Angéline Brancharel, ouvrière en laine, née à Arches (Cantal) le 16 janvier 1890, domiciliée à Pussay, fille majeure de Jean Brancharel, ouvrier bonnetier, et de Louise Bailly, sans profession, domiciliés à Pussay ».

Il est maintenu service armé par décision de la commission de réforme de Montargis du 14 juin 1916, puis classé service auxiliaire par décision de la commission spéciale de Montargis dans sa séance du 12 juillet 1916 pour « troubles respiratoires dus à blessure du thorax et du poumon gauche par éclat d’obus ». Il est maintenu service auxiliaire le 12 octobre 1916, puis placé en sursis d’appel au titre de la maison Tempette, cordonnier à Montargis [Marc Tempette, maître cordonnier à Montargis] du 10 octobre au 30 novembre 1916, sursis prolongé jusqu’au 31 mai 1917 puis annulé le 2 mai 1917, date à laquelle l’armée lui demande de rejoindre le 169e R. I. Il passe le 26 juin 1917 à la 5e section de C. O. A. (Commis et Ouvriers d’Administration). Il est démobilisé le 21 mars 1919 et se retire à Pussay.

Une pension temporaire 20 % lui est accordée par la Commission de réforme de Versailles du 20 août 1919, « pour séquelles de plaie pénétrante hémithorax gauche par éclat d’obus en 1915 et pyothorax par légère symphyse pleurale base gauche, cicatrice déprimée et adhérente à 3 travers de doigt au-dessous omoplate gauche, réaction hémithorax et scoliose à convexité ». Il est proposé pour une pension permanente invalidité 20 % par la 5e Commission de réforme de la Seine du 8 juin 1922 pour « pleurite de la partie supérieure du poumon gauche et pachypleurite discrète à la base, suite de plaie pénétrante de l’hémithorax gauche, cicatrice déprimée 3 cm au-dessous de la pointe de l’omoplate » et admis à une pension de 480 francs.

Il est réformé définitivement et proposé pour une pension permanente invalidité 60 % par la 3e Commission de réforme de la Seine du 9 janvier 1931 pour « séquelles de blessure par éclat multiplex (5 éclats) d’obus inclus de l’hémithorax gauche en 1915 et pleurésie purulente consécutive, râles de bronchite, amaigrissement, cicatrice d’empyème qui aurait donné issue à 3 autres éclats après la blessure, rechute de pleurésie purulente avec crachats purulents abondants du 20 novembre 1930 au 2 mai 1931. Se plaint de douleurs dans le côté gauche, scoliose très marquée, hémithorax gauche grisé. Corps étrangers : 1° pièce de 0,50 à la base en arrière de l’ombre cardiaque, 2° grosseur d’une lentille, également postérieur et plus haut, 3° trois plus petits superficiels à la partie supéro externe du thorax ».

Une pension permanente invalidité 100 % lui est accordée par la Commission de réforme de Versailles du 8 juillet 1936 pour « abcès du poumon gauche suite de blessure de l’hémithorax gauche par éclats d’obus, submatité de tout le côté gauche, nombreux râles, expectoration purulente abondante, amaigrissement, scoliose, abcès de la paroi postérieure, éclat d’obus inclus, très mauvais état général ». Une pension définitive lui est concédée le 31 décembre 1936 à la suite de la Commission de réforme de Paris du 8 juillet 1936, valable à compter du 8 juillet 1936.

Voilà le parcours d’un homme que son entourage qualifiait de « gentil et calme, toujours très réservé », mais qui souffrait en silence. Il ne devait pas attraper de rhume sous peine de souffrance, cependant la pleurésie purulente consécutive aux éclats d’obus, l’obligeait à tousser et cracher. La guerre continuait ainsi son œuvre destructive. Pendant 20 ans, il fut soumis aux visites médicales avant de se voir concéder une pension définitive. Il reçoit la médaille interalliée le 13 novembre 1934 et décède à Pussay le 8 février 1962.

Pendant les longues heures passées dans les tranchées, les soldats s’occupent comme ils peuvent. Ainsi, s’est développé tout un artisanat de tranchée. André Guillot s’occupe en faisant des bagues. Il explique ainsi à ses parents dans une de ses lettres « pour faire des bagues, il me faudrait une petite lime demi-ronde, si vous pouviez trouver ça à Pussay vous m’en enverriez une ou à défaut un tiers-point, car ici on ne peut pas trouver ça ».

 

Photo bague

 

Mais il excelle dans un autre travail de patience : celui qui consiste à décorer des feuilles de chêne d’une façon toute originale.

FeuilleGuillot6FeuilleGuillot4

Cette œuvre d’art est un travail de patience. André réalise tout d’abord le modèle, à gauche, sur une feuille de papier épais mais souple, l’applique sur la feuille de chêne et la perce à l’aide d’une brosse en ayant soin de bien conserver ses nervures, sauf à l’endroit où le modèle est posé.

Il dédie ces œuvres d’art à sa fiancée devenue sa femme en 1916.

Paucourt 1916

Souvenir de son séjour à Paucourt lors de sa blessure

Feuille1Feuille2

 

Feuille3

 

Sources :

Fiches matricules, archives départementales des Yvelines en ligne

Registre d’état civil, archives départementales de l’Essonne en ligne

Tous les autres documents et photographies nous ont été transmis par Gisèle et Jean-Paul Firon que nous remercions infiniment.

Retour en haut

.

Les cinq frères PILLET et leur neveu Henri

 

Louis Jules Pillet, charcutier ou journalier selon les époques, et Marie Félicie Boudon, son épouse « sans profession », ont sept enfants, deux filles et cinq garçons :

  • Angèle Augustine née le 13 janvier 1868,
  • Marie Eugénie née le 4 juin 1871
  • Eugène Louis né le 16 mai 1874,
  • Denis Henri Constantin né le 21 août 1875,
  • Auguste Alexandre né le 13 avril 1877,
  • Louis Charles né le 8 décembre 1880
  • Emile Adrien né le 26 novembre 1883.

Leurs cinq garçons vont participer à la guerre de 1914-1918, mais également leur petit-fils, Henri Gustave, enfant naturel de leur fille Marie Eugénie, né le 11 janvier 1893 et reconnu par sa mère le 12 février 1893.

La famille Pillet va perdre dès le début de la guerre, son petit-fils Henri, le 21 septembre 1914, et trois de ses fils, le même jour, le 20 décembre 1914.

Henri Gustave Pillet est maçon lorsqu’il s’engage volontairement pour 3 ans à Paris le 10 novembre 1913, dans le 7e arrondissement, au titre du 31e Régiment d’Infanterie. Il arrive au corps le 14 novembre 1913 et passe soldat de 2e classe. Il est blessé le 19 septembre 1914 et décède des suites de blessures contractées sur le champ de bataille à Clermont-en-Argonne (Meuse) à l’ambulance n° 5, le 21 septembre 1914. Son décès est transcrit le 26 avril 1916 à Pussay. Son corps est inhumé au cimetière communal de Clermont-en-Argonne, puis transféré au cimetière militaire de Vauquois (Meuse), tombe n° 2245, le 30 mai 1923. Un secours de 150 francs est alloué à la famille le 5 septembre 1915. La Médaille militaire est remise à titre posthume à sa mère lors de l’inauguration du monument aux morts de Pussay.

L’historique succinct du 31e Régiment d’Infanterie relate les combats de cette période :

Le 1er bataillon du 31e R. I. quitte Melun, le 7 août ; les 2e et 3e bataillons quittent Paris, le 8 août, pour prendre place, le 10 août, dans la région de Troyon (Meuse). Le 14 août, le régiment se met en mouvement avec le 5e Corps d’Armée dans la direction du nord-est. Il participe le 6 septembre aux combats de de Laheycourt, Villers-aux-Vents, bois de Lamont. « Mais le ravitaillement en cartouches des unités se fait difficilement et le repli s’exécute sur Laimont, où le régiment reçoit l’ordre d’organiser et de tenir coûte que coûte la lisière du bois à l’est de ce village, au nord de la route de Bar-le Duc – Châlons.

Du 7 au 11 septembre, le régiment tient cette position sans défaillance. Malgré les pertes causées par les violentes rafales d’artillerie ennemie, malgré la faiblesse des effectifs, le régiment résiste vigoureusement à toutes les tentatives ennemies de forcer nos lignes. Le 11 septembre, l’ennemi bat en retraite et la poursuite commence dans la direction du nord par Belval, Froidos, Avocourt.

Le 16 septembre, combat du bois de Chehemin. Le régiment se met en marche sur Montfaucon. Le 3e bataillon, à l’avant-garde, débouche du bois Chehemin, sur le glacis que suit la route de Varenne – Montfaucon ; il est littéralement décimé, disloqué par les mitrailleuses et l’artillerie ennemies. Le 2e bataillon, qui appuie son mouvement en avant, le recueille et organise avec lui la lisière du bois Chehemin, tandis que le 1er bataillon protège le flanc gauche.

Du 17 au 21 septembre, le régiment s’organise sur la position ; il est très affaibli par ses pertes, les bataillons ne comptent plus guère que 250 à 400 fusils et les attaques journalières faites sans appui d’artillerie les épuisent de plus en plus. Les obus font défaut. Relevé le 21 septembre, le régiment est alerté le lendemain pour défendre le bois de Cheppy et reste en ligne jusqu’au 7 octobre, période pendant laquelle le front commence à se stabiliser ». C’est là qu’Henri Gustave Pillet a trouvé la mort.

1920 - Inauguration Bas Relief 1

 

Inauguration et bénédiction des bas-reliefs commémoratifs des Morts de la guerre 1914-1918 de la paroisse de Pussay le 10 octobre 1920. (98 morts)

 

Denis Henri Constantin Pillet est né le 21 août 1875. Son père Louis Jules, âgé de 29 ans, est alors journalier et sa mère est dite « sans profession ». Lorsqu’il passe le conseil de révision, Denis Henri est bonnetier, il a les cheveux châtains, des yeux gris et comme marque particulière : un tatouage au bras gauche. Il est incorporé le 16 novembre 1896 au 19e Bataillon de Chasseurs à pied et renvoyé dans la disponibilité le 20 septembre 1899 avec un certificat de bonne conduite.

Il se marie avec Louise Marie Genty, ouvrière en laine, et une petite Madeleine Henriette naît le 28 octobre 1901, il est alors ouvrier cordonnier. Deux autres filles vont suivre : Germaine Louise le 15 janvier 1904 et Simonne Marie Louise le 17 avril 1908.

Il accomplit une première période d’exercices dans le 26e Bataillon de Chasseurs à pied du 25 août au 21 septembre 1902, puis une deuxième période, toujours dans le même bataillon, du 3 au 30 juillet 1905 et il passe dans l’armée territoriale le 1er octobre 1909.

Il est rappelé le 6 août 1914 au 35e Régiment d’Infanterie Territoriale de Melun. Il est tué à l’ennemi le 20 décembre 1914 au combat de la Haute-Chevauchée (Meuse), inhumé à la même date par ses deux frères présents à la Compagnie à laquelle il appartenait, ainsi que l’énonce le jugement déclaratif de décès. Un secours de 150 francs est accordé à sa veuve le 5 septembre 1915. Il est déclaré « Mort pour la France » par jugement du tribunal d’Etampes du 1er juin 1920, transcrit le 19 août 1920 à Pussay.

OLYMPUS DIGITAL CAMERA

OLYMPUS DIGITAL CAMERA

Jugement déclaratif de décès du tribunal d’Etampes en date du 1er juin 1920 de Denis (Etienne) Henri Constantin Pillet (ADE – 3U2128)

Ses trois filles sont adoptées par la Nation suivant le jugement du tribunal civil d’Etampes en date du 11 septembre 1918.

Au décès de l’un des époux, la tutelle des enfants mineurs et non émancipés appartient de plein droit au survivant des père et mère, sauf avis contraire expressément notifié préalablement. L’article 420 du Code Civil expose que « Dans toute tutelle, il y aura un subrogé tuteur, nommé par le conseil de famille. Ses fonctions consisteront à agir pour les intérêts du mineur, lorsqu’ils seront en opposition avec ceux du tuteur ». Lorsque les intérêts du subrogé tuteur sont à leur tour en opposition avec ceux du mineur, un subrogé tuteur ad hoc est nommé. Si la mère tutrice veut se remarier, elle doit auparavant convoquer le conseil de famille, qui décide si la tutelle doit lui être conservée. A défaut, elle perd la tutelle de plein droit. A l’époque, la plupart des familles ne connaissent pas ces procédures et le juge de paix du canton doit très souvent les inviter à réunir ce conseil.

Le 5 décembre 1921, Louise Marie Genty, veuve de Denis Henri Constantin Pillet convoque donc le conseil de famille.

 

OLYMPUS DIGITAL CAMERA

Conseil de famille Pillet-Genty (ADE – 4U871)

Madeleine Henriette se mariera une première fois le 4 octobre 1924 avec Raymond Jules Mayer et une seconde fois avec René Faustin Charles Dru le 27 septembre 1948. Germaine Louise se mariera à Pussay le 24 juillet 1926 avec André Lucien Marquillant et elle décèdera le 20 juillet 1976 à Poitiers. Nous n’avons pas d’information quant à la troisième.

Emile Adrien Pillet est né le 26 novembre 1883. Lorsqu’il passe le conseil de révision, Il a les cheveux bruns et les yeux noirs, il mesure 1,54 m et il est bonnetier. Il est tout d’abord dispensé ayant un frère au service, puis incorporé au 26e Régiment d’Infanterie le 14 novembre 1904 et envoyé en disponibilité le 23 septembre 1905 avec un certificat de bonne conduite. Il accomplit deux périodes d’exercices au 31e R. I. du 25 août au 21 septembre 1909 et du 28 mai au 13 juin 1912.

Il est rappelé à l’activité le 11 août 1914 au 31e R. I. Il disparaît le 20 décembre 1914 au plateau de Bolante, en forêt d’Argonne dans la Meuse. Il est déclaré « Mort pour la France » par jugement du tribunal civil d’Etampes du 1er juin 1920 et transcrit le 20 novembre 1920 à Pussay. Il était célibataire.

 

Eugène Louis Pillet est né le 16 mai 1874. Lors du conseil de révision il est bonnetier, il a les cheveux châtains et les yeux marron et mesure 1,61 m. Il est bon pour le service mais dispensé comme aîné de sept enfants. Il est incorporé le 12 novembre 1895 au 94e Régiment d’Infanterie et envoyé en disponibilité le 21 septembre 1896 avec un certificat de bonne conduite. Il accomplit une première période d’exercices au 31e R. I. du 26 août au 22 septembre 1901, puis une seconde du 16 août au 12 septembre 1904. Il passe dans l’armée territoriale le 1er octobre 1908.

Entre temps, il s’est marié avec Marie Eglantine Brisset dont il a eu une fille, Renée Fernande, le 14 juillet 1901.

Il est rappelé à l’activité le 17 août 1914 au 35e Régiment d’Infanterie Territoriale. Il est tué à l’ennemi le 20 décembre 1914 au combat de la Haute-Chevauchée (Meuse). Il est déclaré « Mort pour la France » par jugement du tribunal d’Etampes du 24 septembre 1920.

Emile Pressoir du 246e ligne, 13e Cie, 3e section, secteur postal n° 34, la même compagnie à laquelle appartenaient Denis Henri et Eugène, écrit :

« Pillet Eugène, Pillet Henri, se trouvent enterré au lieu-dit le plateau de Bolante qui se trouve entre les pays de Vauquois et de La Claon dans le département de la Meuse. Ce lieu-dit le plateau de Bolante est un plateau boisé ayant à sa droite La Haute-Chevauchée et à gauche Le Four de Paris.

Ce plateau se trouve à environ 8 km des Islettes (Meuse) en passant par le Neufour et Le Claon. Ils sont enterrés côte à côte avec un groupe de leurs camarades dont l’un le soldat Samsot, le sergent Langlois.

Henri ayant été tué le premier d’une balle en plein front est tombé. Son frère Eugène ayant voulu se porter à son secours est tombé lui-même d’une balle dans la poitrine.

Pour tant qu’à Emile Pillet, il a été porté comme disparu à la même heure et au même lieu et depuis on n’a jamais reçu de ses nouvelles. Tout cela s’est déroulé dans l’attaque du plateau de Bolante le 20 décembre 1914 de 1 h du matin à 11 h du matin.

 

courrier Pillet Eugène - Henri 1courrier Pillet Eugène - Henri 2

 

Je puis certifier que les soldats Pillet Henri et Pillet Eugène sont tombés côte à côte dans ce combat et enterrés sur ce plateau.

Je soussigné certifie que étant dans la même compagnie et même la même escouade et les ayant bien connu comme de bons camarades qui ont été regrettés longtemps.

Je certifie les avoir vu tombé et enterré ».

Comme pour Denis Henri, sa fille, Renée Fernande est adoptée par la Nation suivant le jugement du tribunal civil d’Etampes en date du 11 septembre 1918. Sa veuve convoque également le conseil de famille le même jour, le 5 décembre 1921.

 

OLYMPUS DIGITAL CAMERA

Conseil de famille Pillet-Brisset (ADE – 4U871)

Extrait de l’historique succinct du 31e Régiment d’Infanterie :

« Après un repos de douze jours à Aubreville, le régiment monte, le 21 octobre, en secteur dans la région Buzemont – Forimont. Jusqu’à la fin de janvier 1915, il va se battre en Argonne. L’Argonne pour les vétérans, quel long cortège de souffrances…, de gloire évoque ce seul nom ! Le pays est tourmenté, coupé de ravins profonds, hérissé de forêts propices aux embuscades ; pendant des mois, il faut subir la pluie, le froid et, par-dessus tout, l’odieuse boue gluante et tenace qui enveloppe le soldat d’une froide gaine et fait de chaque relève un calvaire. La division est commandée par le général Gouraud ; contre elle, les meilleures troupes du kronprinz, servies par un matériel bien supérieur au nôtre, multiplient les assauts et s’acharnent à reprendre l’encerclement de Verdun. Du 28 octobre au 4 novembre, le régiment occupe, avec deux bataillons, les tranchées de la Maize et de la Cigalerie. A partir du 7 novembre, il alterne avec le 89e pour occuper le secteur de la Pierre-Croisée – Haute-Chevauchée. Le 9 décembre, les trois bataillons étaient en ligne : à droite, le 1er bataillon, à la cote 263 ; au centre, le 3e bataillon, à la Haute-Chevauchée ; à gauche, le 2e bataillon, « au Doigt de Gant du Bas-Jardinet ». La position de ce dernier bataillon était assez délicate, car elle faisait saillie dans les lignes ennemies et n’était reliée à l’arrière que par un unique boyau dénommé « Escalier de la Mort ». Le 11 décembre, vers 10 heures (combat du Doigt de Gant), dix mines puissantes explosent sous notre tranchée de première ligne ; un tir très violent d’artillerie se déclenche, suivi d’une attaque d’infanterie. Les survivants de la première ligne sont ralliés par leurs chefs et la résistance s’organise. Malgré sa supériorité numérique, l’ennemi ne progresse que lentement, mais il est impossible de venir en aide aux compagnies engagées, les mitrailleuses et l’artillerie allemandes maintenant un barrage d’une extrême violence. Le combat continue jusqu’à la nuit ; les quelques survivants se replient alors par « l’Escalier de la Mort », où les cadavres forment un obstacle à chaque pas.

Relevé le 17 décembre, le régiment prend le secteur de Bolante ». C’est dans cet enfer que les trois frères Pillet ont trouvé la mort.

OLYMPUS DIGITAL CAMERA

OLYMPUS DIGITAL CAMERA

Inauguration de l’ossuaire de La Haute-Chevauchée, cote 285, le 17 juin 1923, en souvenir des combats de l’Argonne.

 

N’oublions pas cependant leurs deux autres frères :

Auguste Alexandre Pillet est né le 12 avril 1877, il a les cheveux noirs et les yeux gris et il est également bonnetier lorsqu’il passe le conseil de révision. Il est tout d’abord dispensé ayant un frère au service, puis incorporé le 14 novembre 1898 au 4e Régiment d’Infanterie et envoyé dans la disponibilité le 30 septembre 1899 avec un certificat de bonne conduite.

Il est rappelé à l’activité le 14 août 1914 au 19e Régiment d’Infanterie Territoriale. Il passe le 20 novembre 1915 au 105e R. I. T., puis le 3 septembre 1916 au 46e R. I., le 16 juillet 1917 au 72e R. I. T., le 16 décembre 1917 au 9e R. I. T. et le 5 novembre 1918 au 5e Régiment du Génie. Il est démobilisé le 17 janvier 1919 et se retire à Pussay. Il a donc fait toute la campagne contre l’Allemagne et sa fiche matricule ne mentionne aucune blessure. Cependant il a, comme les autres, vécu toutes les horreurs de cette guerre dans laquelle il a perdu trois de ses frères.

A la date de 1923, il est marié et père de deux enfants.

Louis Charles Pillet est né le 8 décembre 1880, il a les cheveux blonds et les yeux bleus, mesure 1,61 m et il est ouvrier bonnetier ou « caoutchoutier » selon sa fiche matricule. Il est incorporé à compter du 16 novembre 1901, cavalier de 2e classe, au 1er régiment de chasseur à cheval. Il est envoyé en congé le 22 septembre 1904 avec un certificat de bonne conduite.

Il est rappelé à l’activité le 3 août 1914 au 19e escadron du train des équipages et démobilisé le 18 février 1919. Il se retire à Paris, 85 place Gambetta. En juillet 1919, il habite Argenteuil où il décède le 23 novembre 1950.

 

La famille PÉAN

 

Quand il part sur le front le 17 août 1914, Eugène Louis Pillet laisse sa femme Marie Eglantine Brisset, 36 ans, et sa fille Renée Fernande, née le 14 juillet 1901 et donc âgée de 13 ans. Quatre mois plus tard, il décède laissant une veuve et une orpheline de guerre. Renée est adoptée par la Nation suivant jugement du tribunal civil d’Etampes du 11 septembre 1918.

Renée épouse Abel Paul Péan, appelé Roger Péan, le 30 mai 1925 et donne naissance à Michel Péan le 5 janvier 1932. Abel-Roger avait un frère Jacques né le 9 avril 1908 qui épouse Gisèle Gontard (voir plus haut la famille Rebuffé-Gontard) qui donne naissance à Colette Péan épouse Meyer.

1925 versJacques Péan

Photo de gauche : vers 1925, de gauche à droite, 2e Jacques Péan, 3e Marcel Delanoue, 4e Maurice X

Photo de droite : de gauche à droite, Jean Moullé, mari d’Yvonne Misermon, Jacques Péan, André Pointeau, neveu de Lucienne Gontard

 

1933 1934 vers

Tout à droite au premier rang, avec le chapeau pointu, Colette Meyer-Péan, fille de Jacques Péan, lors d’une fête de patronage vers 1933-1934.

 

Sources :

Fiches matricules, archives départementales des Yvelines en ligne

Registre d’état civil, archives départementales de l’Essonne en ligne

Archives Départementales de l’Essonne : 3U2128 et 4U871

Tous les autres documents et photographies nous ont été transmis par Danielle Péan, épouse Michel Péan, pour la famille Pillet et par Colette Meyer-Péan, fille de Jacques Péan, pour la famille Péan, que nous remercions infiniment.

Retour en haut

.

Les trois frères REBIFFÉ, Marius, André et Jules, et leurs oncles, Fernand, Henri et Léon

Paul Ernest Rebiffé, ouvrier bonnetier, puis employé de bureau aux établissements « A. Brinon Fils », et Juliette Angélique Troufleau donnent naissance à cinq enfants : Marius Jules le 24 novembre 1890, André Paul le 16 octobre 1892, Jules Henri le 6 avril 1894, Thérèse Camille le 15 septembre 1897 et Berthe Juliette le 7 juin 1900. Deux autres garçons viendront plus tardivement : Pierre Eugène né le 13 mars 1907 et décédé le 21 août 1907 et Louis Gustave né le 1er décembre 1912 et décédé le 17 février 1913.

Rebiffé Paul 3

1er rang, de gauche à droite : Berthe, Jules et Thérèse. Debout, de gauche à droite : André, Juliette, Paul et Marius.

André et Jules décèdent pendant la guerre 14-18 et Marius en revient amputé du bras droit. Voilà une famille déjà très éprouvée.

Mais Paul a, de son côté, plusieurs frères et sœurs, dont Fernand né le 20 janvier 1875, Henri né le 26 avril 1871 et Léon né le 23 mars 1884 qui vont être rappelés à l’activité. Ils auront plus de chance que leurs neveux ; ils reviendront de cette guerre, mais comment ?

Les quatre frères travaillent comme employés de bureau aux établissements « A. Brinon Fils ».

Le bureau des usines A. Brinon Fils

Voici rassemblés les employés du bureau des établissements « A. Brinon Fils » avec de gauche à droite : 1er Paul, 4e Henri, 6e Léon et 9e Fernand

Marius Rebiffé

Lorsqu’il passe le conseil de révision, Marius a les cheveux noirs, les yeux marron foncé et il mesure 1,63 m. Il est incorporé le 10 octobre 1911 au 161e Régiment d’Infanterie. Il passe caporal le 25 septembre 1912. Un certificat de bonne conduite lui est accordé, cependant il est maintenu sous les drapeaux par application de l’article 33 de la loi du 21 mars 1905, à savoir que « le rappel des hommes effectuant leur première année de service dans la réserve est autorisé dans les cas où les circonstances paraîtraient l’exiger ». Il ne passe donc dans la réserve de l’armée active que le 8 novembre 1913.

Rebiffé Marius 161 infanterie

Marius Rebiffé au 161e R. I.

Au cours de son service, il rédige un cahier de chansons, qu’il illustre lui-même :

 

Rebiffé Marius dessin 2Rebiffé Marius dessin 3

 

 

Le dessin ci-dessous est directement inspiré par l’atmosphère du moment

Dessin Marius Rebiffé

Pages du cahier de chansons de Marius Rebiffé illustré par lui-même alors qu’il est maintenu sous les drapeaux jusqu’en novembre 1913. Ce dessin confirme que les soldats étaient préparés à gagner cette guerre et à obliger les Allemands à repousser les frontières au-delà de l’Alsace Lorraine.

Selon sa fiche matricule, il est rappelé à l’activité le 3 août 1914 au 11e Régiment de Zouaves et blessé à Godat le 15 septembre 1914 au bras droit et amputé de ce bras, ce qui n’est pas tout à fait exact puisque le 11e Régiment de Zouaves n’existe pas et qu’il est réserviste au 1er Régiment de Zouaves et amputé du bras droit en février 1916.

Rebiffé Marius zouave 2

Marius Rebiffé au 1er Régiment de Zouaves , avant son amputation

A vrai dire, il part en août 1914 au 1er Régiment de Zouaves jusqu’à ce qu’il soit légèrement blessé en octobre 1914, soigné à Angoulême, convalescent à Pussay, puis il retourne sur le front et c’est alors qu’il se retrouve au 9e Régiment de Zouaves. Là, il est grièvement blessé et décoré de la Médaille militaire et de la croix de Guerre avec palmes qui lui sont remises lors d’une prise d’armes le jeudi 7 décembre 1916 à l’hôtel de ville d’Etampes, ainsi que le relate le journal l’Abeille-Réveil d’Etampes, avec cette citation : « caporal au 9e régiment de zouaves, gradé brave et plein d’entrain. A été très grièvement blessé, le 27 février 1916, en participant à une contre-attaque. Amputé du bras droit ». (Voir l’article « Conscrits » pour d’autres photos)

Rebiffé Marius zouave 1Marius Rebiffé au 1er rang, 4e à partir de la gauche, amputé du bras droit, avec les autres blessés à l’hôpital.

A cette date, voici ce que disent les Journaux de Marche et Opérations du 9e Régiment de marche de Zouaves :

Le 22 février 1916, le 9e Régiment de Zouaves s’installe dans ses cantonnements, à savoir Loisey pour le 3e bataillon dont fait partie la 11e Cie de Marius. Le 24 février, ce bataillon est installé à l’hôpital militaire de Verdun, il quitte cet emplacement à 17h pour se diriger au sud de Souville. Dès lors, les trois bataillons vont opérer autour de Verdun du 25 février au 5 mars. Nous nous intéresserons essentiellement au 3e bataillon de Marius :

« Le 26 février, le bataillon est mis à la disposition de la 306e brigade et placé sous les ordres du lieutenant-colonel de Valon. Il reçoit l’ordre de se porter au nord du fort de Douaumont. Il s’y établit face au nord et au nord-est. Le bataillon quitta le bois du fort de Souville à 15h. Une corvée fut envoyée au fort de Souville pour y toucher des outils, grenades, cisailles, fusées nécessaires à l’accomplissement de la mission reçue.

Le bataillon arrive au P. C. du lieutenant-colonel de Valon à 17h45, muni des outils et des grenades, mais n’avait pas touché de cisailles, ni de fusées.

Le chef de bataillon se présenta au lieutenant-colonel de Valon. Après examen de la situation, les 11e et 12e Cies exécutent l’encerclement du fort, l’une vers le nord-est, l’autre vers le nord, en s’appuyant sur le village de Douaumont en se mettant en liaison avec le 110e.

Cette Cie devait être suivie par deux Cies du 1er Mixte chargées également d’encercler le fort, d’y pénétrer et de l’enlever.

La reconnaissance effectuée par la 6e Cie du 1er Mixte fut terminée vers 6h30 et il fut trop tard le 27 au matin pour y pénétrer, les travaux d’encerclement n’étant pas suffisants.

La 11e Cie côté nord-est n’avait pu en effet faire que quelques travaux, ayant été gênée par l’ennemi tirant de tous côtés du fort et de ses tranchées.

La 12e Cie au nord avait pu utiliser et aménager une tranchée existant en avant du fort, mais c’était encore très loin de la 11e Cie.

Au matin du 27, la situation du bataillon était la suivante :

12e Cie au nord en liaison avec le 110e

11e Cie occupant les tranchées de 1ère ligne face au nord-est

10e Cie occupant les tranchées de 1ère ligne face à la route longeant le fort et l’entrée du fort

9e Cie en réserve dans les tranchées sur les pentes du bois de la Caillette.

Le fort paraît occupé par des détachements ennemis et quelques mitrailleuses.

Le chef de bataillon se propose de faire continuer les travaux dans le cours de la nuit du 27 au 28. Il dispose de 2 Cies du 418e pour renforcer le mouvement.

 27 février. Le lieutenant Llinarès dès 7h signale des rassemblements de troupes ennemies importants dans un ravin à 1200 m au nord-est du fort de Douaumont. Des tirs par notre artillerie sont exécutés sur ces rassemblements de troupes.

De 8h à 15 h bombardement intense de nos 1ère, 2e et 3e lignes.

Nos premières lignes qui ne comprennent que quelques tranchées sont absolument démolies et il y a des pertes sérieuses à la 11e Cie. Quelques hommes de cette compagnie sont envoyés à l’abri contre le bombardement à l’est du fort.

15 heures, l’ennemi débouche de tous côtés et se précipite sur les tranchées de 1ère ligne dont il s’empare malgré la résistance des défenseurs qui sont faits prisonniers.

La 10e Cie résiste désespérément en faisant face à l’attaque.

15h30 le chef de bataillon réunit à l’abri 2 pelotons du 418e (10 et 12) et les lance en contre-attaque pendant que la 10e Cie se porte en avant pour gagner les premières maisons situées sur la route.

La contre-attaque réussit, l’ennemi se trouvant débordé sur sa droite, bat en retraite vivement.

La 10e Cie délivre une trentaine de prisonniers de la 11e Cie qui se trouvaient enfermés dans l’abri à l’ouest du fort.

Une dizaine de prisonniers furent faits à l’ennemi qui a subi des pertes considérables. Au dire d’un prisonnier il devait y avoir 2 attaques : le 27 durant la soirée, d’un régiment chacune. Il a déclaré qu’un de ses régiments avait été décimé par nos 75.

L’attaque de 17h30 n’eut pas lieu et le bataillon reprit son emplacement en 1ère ligne.

Dans la même journée, la 12e Cie à l’ouest de Douaumont a subi également des pertes importantes à la suite d’un bombardement intense. Par manque de liaison avec le 110e elle doit évacuer une partie des tranchées devenues intenables… ».

28 et 29 février. Le bataillon conserve ses emplacements, l’ennemi ne fait aucune tentative d’attaque.

1er mars. Une attaque sur les tranchées allemandes est minutieusement préparée. L’artillerie exécute un tir de préparation de 8h à 10h. A 10h la Cie d’attaque est en place derrière l’abri et prête à s’élancer, quand une salve de 75 tirée trop courte met hors de combat une vingtaine d’hommes. L’attaque est remise au lendemain d’accord avec le capitaine Basquer du 418e.

Dans la soirée une reconnaissance fut exécutée par le sous-lieutenant Boissel avec la 12e Cie afin de reconnaître les emplacements des tranchées ennemies. Cette reconnaissance permit de constater que les tranchées et les maisons étaient assez fortement occupées.

2 mars. Bombardement des tranchées ennemies de 7h à 8h. Lancement des troupes d’attaque… ».

Marius ne verra pas la fin des combats : il est blessé et son bras droit est amputé. Les pertes pour la période du 25 février au 5 mars inclus s’élèvent à 161 tués, 650 blessés, 162 disparus.

Rebiffé Marius zouave 4

Marius Rebiffé, debout à droite

Voici un extrait de l’« Historique du 9e Régiment de marche de Zouaves » dans BNF – Gallica :

« Le 9e Zouaves devait à sa gloire toujours grandissante de la consacrer définitivement en combattant à Verdun, « l’Enfer de Verdun », disait-on. C’était l’épreuve décisive qui trempait à tout jamais les cœurs vaillants. Là encore, « les Tigres » furent dignes d’eux-mêmes et de leur passé.

 Il est bien difficile de raconter leur histoire dans la terrible mêlée. Arrivés à Verdun le 24 février 1916, le Régiment vit ses bataillons dispersés et chacun pour son compte connut l’horrible cauchemar des bombardements: Plus de tranchées, plus de boyaux ; des trous d’obus épars qu’occupent des hommes à moitié enterrés, hagards sous le pilonnement méthodique des obus de tous calibres; chaque tirailleur attend le projectile qui doit l’ensevelir, sans aucun espoir d’éviter un écrasement certain. Mais tous renaissent dès qu’il faut bondir sur les trous d’en face ou recevoir le flot allemand et l’arrêter devant une barrière infranchissable formée des poitrines françaises. Tous, à ce moment, mitrailleurs, grenadiers, voltigeurs rivalisent d’audace et de mépris de la mort.

 Il faudrait suivre dans cet enfer chacun des bataillons, et même parfois chaque compagnie. Le 1er et le 3e bataillon, à la Côte du Poivre, au Bois de la Caillette, devant le Fort de Douaumont, combattent sans relâche, résistant victorieusement aux contre-attaques, s’accrochant au terrain et méritant du colonel De Valon, commandant la brigade, des félicitations pour « leur conduite héroïque ».

 Accompagnons le 2e bataillon, commandant Sciard, dans sa marche vers la Côte 378 (Nord-Ouest du Fort de Douaumont). Avant d’atteindre son objectif, ce bataillon rencontre l’ennemi à la Côte 259. Il y a un vide entre le 146e R. I. et le 95e R. I. Rapidement, le bataillon se déploie, s’accroche au terrain, résiste à toutes les attaques malgré le bombardement ; le soir, la liaison était établie entre les deux régiments voisins, l’attaque allemande enrayée. Pendant les jours suivants, résistant pied à pied aux attaques allemandes, contre-attaquant dès que l’ennemi a pris une avance, le 2e bataillon maintient sa position…

 Enfin, tout le Régiment était compris dans la citation collective à l’Armée de la 153e D. I., splendide citation qui valait au 9e Zouaves la fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre :

« La 153e D. I. (9e Zouaves, 418e R. I., 1er Mixte de Zouaves et Tirailleurs, 2e et 4e B. C. P.), après avoir montré, sous les ordres du général Deligny, un esprit d’offensive remarquable, 24, 25, 26 février 1916, a fait preuve, les jours suivants, d’une ténacité, d’une endurance, d’un entrain, d’une volonté de ne rien céder à l’ennemi, au-dessus de tout éloge. A tenu pendant onze jours consécutifs, nuit et jour, en terrain découvert, sans relève possible, sous un effroyable bombardement de tout calibre, un secteur dont elle n’a pas perdu un pouce de terrain et dont elle ne sortait que pour tenter des contre-attaques en vue d’arrêter l’offensive ennemie ».

Rebiffé Marius livre d'or des soldats de Verdun

Marius Rebiffé est inscrit sur le livre d’or des Soldats de Verdun

Il est admis à une pension de retraite par décret présidentiel du 14 octobre 1916. Marius était comptable avant la guerre aux établissements « A. Brinon Fils ». Il retrouve son poste à son retour et se marie à Gommerville le 10 novembre 1917 avec Fernande Ronquant.

Rebiffé Marius 2

Mariage de Marius Rebiffé et Fernande Ronquant

Trois enfants naissent : Jeanne en 1918, Robert en 1921, Raymonde en 1926. Il a reçu une prothèse pour remplacer son bras perdu, mais comme de nombreux mutilés d’alors, il ne la porte pas, car ces prothèses ne sont pas bien adaptées et sont surtout beaucoup trop lourdes à porter.

Prothèse

Exemple de prothèse de bras (Collection privée)

Il est fait chevalier de la Légion d’honneur le 11 novembre 1932, par le député de Seine-et-Oise, Maurice Dormann.

MédailleMilitaireLégion d'honneur

Remise de la Médaille militaire et de la Légion d’honneur (base Léonore des archives nationales)

Il décède le 24 septembre 1938 et sa femme Fernande se retrouve sans ressources alors que sa dernière fille, Raymonde, est âgée de 12 ans. Cette dernière sera déclarée pupille de la Nation et pourra poursuivre ses études à l’école de la Légion d’honneur.

Rebiffé Raymonde 2

Raymonde Rebiffé à son entrée à l’école de la Légion d’honneur en 1939

 Légiond'honneur2

Vue d’ensemble de l’école avec les élèves

Légiond'honneur3Légiond'honneur4

Le réfectoire et le dortoir de l’école

Légiond'honneur1

Fin d’étude, année de terminale en 1945, le ruban porté par les élèves est multicolore.

Dans les classes précédentes, le ruban était d’une seule couleur correspondant à chaque classe

Dans cette guerre, Marius Rebiffé perd aussi ses deux frères, André et Jules.

 

André Paul Rebiffé est né le 16 octobre 1892 à Pussay et il est employé de bureau aux établissements « A. Brinon Fils ». Il est incorporé le 9 octobre 1913 soldat de 2e classe au 89e R. I., 12e Cie, 3e bataillon. Il est tué à l’ennemi entre le 28 février et le 2 mars 1915 à Vauquois (Meuse), son frère Jules, du même régiment que lui, était à ses côtés et n’a alors reçu que quelques éraflures (voir ci-dessous).

Rebiffé André avant 1914

André Rebiffé, portrait avant la guerre

Il est cité à l’ordre du régiment : « Bon soldat brave et dévoué, a pris part aux durs combats du début de la campagne où il s’est vaillamment comporté. A été tué à son poste de combat aux attaques de Vauquois », croix de Guerre avec étoile de bronze, transcrit le 11 juin 1915 à Pussay. Médaille militaire remise à titre posthume à ses parents lors de l’inauguration du monument aux morts. Son nom est inscrit à l’intérieur de l’ossuaire de Douaumont.

Extrait des Journaux de Marche et Opérations du 89e Régiment d’Infanterie :

« Le 27 février 1915, en exécution de l’ordre d’opérations n° 105/c de la 10e D. I., l’assaut de Vauquois doit être donné le 28 février par les 2 régiments accolés de la 19e brigade (46e et 89e).

Le 28 février 1915. A 5h30, le régiment est massé dans les places d’armes et boyaux de la croupe 253 et sud-ouest de Vauquois dans l’ordre : 2e, 1er, 3e bataillons dont 2 Cies (9e et 11e) sont placées au sud du coude de la route Boureuilles-Vauquois (attaque d’aile).

Ordre d’attaque. Le régiment attaquera en 3 colonnes :

La colonne de droite, 6e Cie et un peloton de la 5e Cie, occupant les tranchées au nord du chemin creux, aura comme objectif : l’éperon sud-ouest du village, l’ouest de l’église et la lisière nord, elle assurera la liaison avec le 46e à droite.

La colonne du centre, 8 Cies ½ monteront par le chemin creux, objectif : tranchées ennemies et lisière nord, la 2e Cie fouillera les caves, la 10e fera évacuer les tranchées de la route Vauquois-Boureuilles.

La colonne de gauche, 9e et 11e Cies (attaque d’aile), objectif : l’ouvrage ennemi, du sud de la route, crête militaire sur la pente opposée, se relier avec la colonne du centre.

Exécution de l’attaque. La préparation de l’artillerie commença à 9h15 et l’assaut fut donné à 13h15 ainsi que l’ordre en avait été donné.

Franchissant les parapets au moyen d’échelles, la 6e Cie (colonne de droite) dans un superbe élan s’élançait vers les tranchées allemandes établies au sommet de la pente et pénétrait dans le village. La colonne de gauche, 9e et 11e, débouchait avec le même entrain, fauchée par les mitrailleuses elle était rejetée dans ses tranchées avec de graves pertes.

La colonne du centre, 7e Cie en tête, débouche par le Chemin Creux suivie de la 8e Cie, en arrivant à quelques pas des tranchées allemandes que notre artillerie a laissées intactes, la 7e Cie est assaillie par un feu d’infanterie et de mitrailleuses extrêmement violent, la compagnie s’empare des premières tranchées, y fait une trentaine de prisonniers et se replie après une heure de lutte, décimée, ayant perdu ses 3 officiers et 13 hommes.

Le 1er bataillon voyant que le 2e ne pouvait déboucher par le Chemin Creux, lança la 4e Cie derrière la 6e, puis le 7e et le reste du 1er bataillon et les 10e et 12e Cies du 3e bataillon suivirent [c’est cette 12e Cie que se trouve André Rebiffé].

Pendant le débouché de ces unités, la 6e Cie qui avait trouvé une grosse résistance au centre du village était ramenée par un retour offensif allemand.

Soutenue par l’arrivée des renforts elle reprend l’assaut. A 14h30 une contre-attaque ennemie rejette toute la ligne sur les pentes. Arrêtée par notre artillerie, la contre-attaque ne peut arriver à la crête et le 89e en profite pour se lancer une 3e fois à l’assaut, arrivé dans le village une rafale violente d’artillerie le prenant d’enfilade (artillerie ennemie du bois de Cheppy) l’oblige à se replier encore.

Vers 15h15, la rafale passée, entrainé par les rares officiers survivants, par les clairons qui sonnent une charge endiablée, le régiment gravit une 4e fois les pentes, pénètre dans le village et arrêté par un feu violent partant du réduit de l’église, organise le terrain conquis. Il y résiste jusqu’à 17h30, à ce moment l’artillerie ennemie de Cheppy le crible de mitraille et le force à se replier dans nos premières tranchées à 50 m du village.

Les unités sont décimées, confondues, un nouvel assaut est impossible à tenter… ».

Les jours suivants, l’attaque reprend et cette fois le 3e bataillon est en première ligne. Dans la nuit du 2 au 3 mars le 89e est relevé par le 313e. Le régiment a perdu à l’attaque de Vauquois pendant les 3 journées : 106 tués, 506 blessés, 287 disparus. André Rebiffé a été tué à l’ennemi sur les pentes de Vauquois dans la 12e Cie du 3e bataillon du 89e régiment, entre le 28 février et le 2 mars.

 

Jules Henri Rebiffé, frère d’André est probablement à ses côtés à Vauquois. Né le 6 avril 1894 à Pussay, bonnetier, il est incorporé le 5 septembre 1914 au 89e R. I., le même régiment qu’André, et part aux armées le 16 janvier 1915. Il est donc probable qu’il se soit aussi trouvé à Vauquois. Que peut-il penser alors ? Son frère aîné, Marius, est revenu amputé du bras droit ; son autre frère André a été tué à l’ennemi sur les pentes de Vauquois. Il est difficile d’imaginer ce qu’il a alors pu ressentir.

Il est nommé soldat de 1ère classe le 3 juillet 1915 et évacué le 6 juillet 1916 pour entorse tibio-tarsienne. Il repart aux armées le 16 août 1916 et il est cité à l’ordre du régiment le 14 octobre 1916 : « Agent de liaison modèle, très courageux, n’a cessé de transmettre les ordres dans les circonstances les plus périlleuses pendant les opérations auxquelles le régiment a participé du 25 septembre au 4 octobre 1916 ».

Rebiffé Jules à gaucheRebiffé Jules

Jules Rebiffé, à gauche sur la photo de gauche

Il est évacué le 20 décembre 1916, rentre au dépôt le 20 janvier 1917, est intoxiqué par les gaz le 6 août 1918 à Moulin-sous-Touvent (Oise), croix de Guerre avec étoile de bronze. Il est tué à l’ennemi le 30 septembre 1918 au nord de Jonchery (Marne), transcrit le 24 février 1919 à Pussay, son corps a été transféré au cimetière militaire de Maison Bleue à Cormicy (Marne), tombe n° 4648, le 22 novembre 1922.

Rebiffé Jules char

Jules Rebiffé à côté du char

Le 27 septembre 1918, par ordre général N° 44 en date du 25. 9. 18, une attaque des positions allemandes au nord de la Vesle avait été décidée pour le 30 septembre dans le but de rejeter l’ennemi des plateaux entre Vesle et Aisne. La mission était de franchir la Vesle et pousser jusqu’au Mont du bois Gilbert. Des combats terribles eurent lieu à cet endroit dans lesquels Jules perdit la vie.

 

Les oncles des trois frères : Henri, Fernand et Léon Rebiffé

Henri Edmond Rebiffé est le plus âgé des trois frères de Paul, leur aîné, et donc des trois oncles de Marius, André et Jules. Il est né le 26 avril 1871 à Pussay et il est représentant aux « Etablissements A. Brinon Fils ». Il est incorporé au corps le 15 novembre 1892 au 14e Régiment de Dragons et passe trompette le 4 juin 1894. Il est envoyé en congé le 24 septembre 1895 avec un certificat de bonne conduite et affecté au 40e Régiment d’Infanterie Territoriale aux voies ferrées. Il accomplit une première période d’exercices dans le 28e Régiment de Dragons à Vincennes du 3 au 10 octobre 1898, une deuxième période dans le 23e Régiment de Dragons à Vincennes du 30 septembre au 27 octobre 1901, une troisième période dans le 1er Régiment de Dragons du 7 au 20 octobre 1907 et passe dans la réserve de l’armée territoriale le 1er octobre 1911.

Entre temps, il s’est marié le 6 janvier 1896 avec Marie Clotilde Armant, femme de chambre de 25 ans, née le 8 janvier 1871 à Châlo-Saint-Mars et domiciliée à Pussay. Une petite Madeleine Marie est née le 9 mars 1897.

Il est rappelé à l’activité dès le 31 juillet 1914 et arrive le 1er août au service de garde des voies de communication secteur B section F. Il est renvoyé provisoirement dans ses foyers le 12 décembre 1914. Cependant, la guerre se prolongeant, il est convoqué le 30 mars 1915 au dépôt du 40e Régiment d’Infanterie Territoriale.

Henri Rebiffé 2Henri Rebiffé 3

Henri Rebiffé. Sur la photo de droite, il est au 2e rang, 1er à droite

Il passe le 1er février 1917 au 28e R. I. T. et il est cité le 30 mai 1917 à l’ordre du 28e R. I. T. : « Dans la nuit du 4 au 5 mai 1917, n’a pas hésité à se porter au secours d’un militaire d’un autre régiment qui venait d’être blessé grièvement, l’a transporté sous un violent bombardement accompagné d’obus à gaz, et en parcourant un terrain découvert au poste de secours de son régiment », croix de Guerre étoile de bronze.

Il est nommé soldat de 1ère classe le 16 juillet 1917 et passe au 50e R. I. T. le 1er octobre 1917. Il est nommé caporal le 3 octobre 1918, ordre du bataillon n° 40, décision du chef de bataillon commandant le 1er bataillon du 50e R. I. T. Il passe au 5e Régiment du Génie le 29 octobre 1918.

 

Fernand René Rebiffé, frère d’Henri, est né le 20 janvier 1875 à Pussay, et il est bonnetier aux établissements « A. Brinon Fils ». Il est incorporé le 16 novembre 1896 au 87e Régiment d’Infanterie, passe caporal le 22 septembre 1897, sergent le 22 septembre 1898 et il est envoyé dans la disponibilité le 20 septembre 1899, un certificat de bonne conduite lui ayant été accordé.

Il se marie le 16 avril 1900 avec Marie Hélène Hardy, domestique de 22 ans, née à Pussay le 2 février 1878 où elle est domiciliée, mais résidant à Etampes. En 1908, ils sont parents de quatre enfants dont le quatrième est né le 26 septembre 1908.

Il accomplit une première période d’exercice au 31e R. I. du 25 août au 21 septembre 1902, puis une seconde période du 12 mars au 8 avril 1906. Il passe dans l’armée territoriale le 1er octobre 1909.

A la mobilisation, il est rappelé et arrive le 6 août 1914 au 35e R. I. T. (Régiment d’Infanterie Territoriale) à Melun. Il embarque le 10 août à destination du camp retranché de Langres et part pour le front de l’Aisne le 5 novembre 1914 où il est employé aux travaux des premières lignes.

Le 24 décembre 1914, le 1er bataillon prend les premières lignes dans le secteur face à la Ville-aux-Bois. Les bataillons s’y succèdent tous les sept jours jusqu’à la fin avril 1915, faisant preuve d’une belle ténacité devant un ennemi agressif. Le 5 septembre 1915, le régiment reprend la direction du front et va occuper le secteur du Luxembourg. Là, de gros travaux d’organisation sont exécutés : le village de Cauroy est mis en état de défense. Le 18 février 1916, le régiment est retiré des lignes, et, le lendemain, tandis que le 1er bataillon est dirigé sur Revigny, les 2e et 3e bataillons sont acheminés en camions-autos vers la région de Verdun et mis à la disposition du génie pour des travaux d’organisation. (Extrait de l’historique du 35e R. I. T.

Il passe au 93e R. I. T. le 28 juillet 1916 et à la 1ère section d’infirmiers le 19 février 1917. Il est démobilisé le 28 décembre 1918 et se retire à Pussay, 4 route de Grandville.

Rebiffé Fernand en 1915

Rebiffé Fernand en 1915

 

Rebiffé Léon Georges, frère d’Henri et de Fernand, est né le 23 mars 1884 à Pussay et il est employé de bureau. Il est incorporé le 8 octobre 1905 au 46e R. I., passe soldat de 1ère classe le 23 août 1906 et il est envoyé dans la disponibilité le 18 septembre 1906.

Il se marie une première fois le 29 octobre 1907 avec Cécile Marie Bourdeau.

????????????????????????????

Mariage de Léon Rebiffé avec Cécile Bourdeau

Il est rappelé à l’activité le 4 août 1914 au 31e R. I., blessé le 11 janvier 1915 à Crouy (Aisne), nommé caporal le 4 octobre 1915, passé le 30 mai 1916 au 246e R. I., , passé le 7 septembre 1918 au 167e R. I., tombé au main de l’ennemi le 25 octobre 1918 à Zult en Belgique, sa fiche matricule ne précise pas où il a été interné. Il rentre en France le 18 décembre 1918, bénéficie d’une permission de 30 jours jusqu’au 24 janvier 1919, puis il est affecté le 27 janvier 1919 au 1er Régiment de Zouaves. Il passe le 6 février 1919 au 58e R. I. T. et il est démobilisé le 11 mars 1919. Il se retire à Pussay où il décède le 25 juin 1923. Il s’était remarié le 12 août 1922 avec Gabrielle Elisabeth Honorine Bourdeau.

RebifféLéonGeorges

 

Sources :

Fiches matricules, archives départementales des Yvelines en ligne

Registre d’état civil, archives départementales de l’Essonne en ligne

Tous les autres documents et photographies nous ont été transmis par Raymonde et Luc Firon et par François Rebiffé que nous remercions infiniment.

Retour en haut

Émile REBUFFÉ

A la date du 12 février 1857, le registre d’état civil de Pussay porte la mention de la naissance d’Emile Désiré Alfred Rebiffé, né le 12 février 1857, de Eugène Florentin Rebiffé, ouvrier en laine, âgé de 30 ans, et d’Olive Séguin âgée de 27 ans, demeurant à Pussay ; témoins : Désiré Rebiffé, 34 ans et Xavier Rebiffé, 32 ans, ouvriers en laine demeurant à Pussay, frères d’Emile.

En marge du registre d’état civil, il est indiqué que, par jugement rendu par le tribunal civil d’Etampes le 8 septembre 1897, l’acte de naissance ci-contre a été rectifié en ce sens que le nom patronymique de l’enfant sera écrit « Rebuffé » au lieu de « Rebiffé » et que le nom du père de l’enfant figurant audit acte subira pareille rectification.

Emile sera conseiller municipal de Pussay et chef des pompiers.

LivretMilitaireRebuffé2LivretMilitaireRebuffé3

Livret militaire d’Emile Désiré Alfred Rebuffé, matricule 3463 :

« Ajourné en 1878, propre au service en 1879, incorporé à compter du 4 novembre 1879 au 13e régiment d’artillerie, parti ledit jour à la 3e compagnie du train d’artillerie, matricule 137, 2e cavalier ; brigadier le 10 novembre 1880 ; maréchal des logis le 7 octobre 1881 ; affecté au train d’artillerie du corps à Vincennes, 4e compagnie ; parti le 30 septembre 1882 en congé en attendant son passage dans la réserve ; a reçu un certificat de bonne conduite ; passé dans la réserve de l’armée active le 1er juillet 1883.

A accompli une période d’instruction du 25 septembre au 23 octobre 1884 au 13e d’artillerie.

A accompli une période d’instruction au 13e régiment d’artillerie du 27 septembre au 24 octobre 1886 ; affecté au régiment d’artillerie de corps stationné à Vincennes, maréchal des logis, 11e compagnie.

Passé dans l’armée territoriale le 1er juillet 1887, dépôt du 5e régiment territorial d’artillerie, maréchal des logis.

A accompli une période d’instruction au 5e régiment territorial d’artillerie du 30 mars au 13 avril 1889.

A accompli une période d’exercices de cadres du service de garde des voies de communication du 12 au 13 juin 1899 ».

Exercice1899

Programme de l’exercice pratique du service de garde des voies de communication des 12 et 13 juin 1899

A accompli une période d’exercices de cadres du service de garde des voies de communication au 40e régiment territorial d’infanterie du 6 au 7 juin 1902.

Ordred'appelRectoOrdred'appelVerso

 

Ordre d’appel sous les drapeaux du 6 juin 1902 à la gare

Son livret militaire contient un ordre de route pour le cas de mobilisation valable jusqu’au 31 octobre 1903, avec mission de se présenter, porteur du présent titre, à la gare de Monnerville dès qu’il aura connaissance de l’ordre de mobilisation. Il est porté sergent adjoint au chef de groupe n° 4.

LivretMilitaireRebuffé4LivretMilitaireRebuffé5

Pages du livret militaire d’Emile Rebuffé

Il est libéré définitivement du service militaire le 1er novembre 1903.

 

Alfred REBUFFÉ (neveu d’Emile ci-dessus) et Georges GONTARD

Alfred Rebuffé est né le 4 août 1895 d’Emile Alexandre Rebuffé, frère d’Emile Désiré Alfred ci-dessus, ouvrier bonnetier de 35 ans demeurant à Pussay et de Louise Arsène Babault, sans profession. Il a déjà deux grandes sœurs : Cécile Albertine Mathilde née le 13 mars 1882 et Albertine Claire née le 30 décembre 1888.

CécileAlbertineAlfredRebuffé

Cécile, debout, Albertine et Alfred Rebuffé

AlbertineRebufféEtAmis

Albertine, 3e à partir de la gauche, et ses amies

Albertine se marie avec Georges Gontard le 4 mai 1908.

1908 4 mai - mariage Georges Gontard Albertine Rebuffé recto

Le photographe est de Pussay : il s’agit de A. Rumeau et au verso il a inscrit « Photographies moderne et régionale », « Reproductions et agrandissements en tous genres », « Spécialités de cartes postales ».

 

1907 - Etablissement Michau Alfred

GeorgesGontard

 

 

 

 

 

 

 

 

En 1907, Georges Gontard travaille aux établissements Alfred Michau. Il est entouré de gauche à droite : Dartus, Félix Sanson, Georges Gontard, Bodin, Clément Galois, Valentin Firon.

Il fait également partie de la fanfare de Pussay, à droite sur la photo.

1909 Baptème Eva

Deux petites filles naissent : Eva en 1909 et Gisèle en 1910. Ci-dessus, baptême d’Eva en 1909

De gauche à droite, 1er rang : x, Albertine avec Eva, Louise Arsène Babault-Rebuffé, la mère d’Alfred, une amie, x, Cécile, x.  2e rang : Lucienne Gontard, mère de Georges, Georges Gontard, x, un ami, x, Emile le père d’Alfred, le père de Georges Gontard.

Né le 3 avril 1889, Georges Gontard fait partie de la classe 1909, mais ne sera incorporé que le 5 octobre 1910 au 102e R. I. en tant que soutien de famille. (Voir également l’article « Conscrits »)

Il passe au 131e Régiment d’Infanterie le 2 mars 1911 et musicien le 26 septembre 1911.

vers 1911 - Gontard Georges - aux pluches

Georges Gontard aux pluches à Orléans en 1911

vers 1911 - Gontard Georges1912 - caserne du 131é Orléans - Gontard Georges

Georges Gontard en 1911 sur la photo de gauche (sous la croix) et musicien en 1912 : 2e rang, 1er à droite

Il écrit à Albertine le 8 juin 1911, sur une double carte du régiment : « Chère Albertine. Je t’écris ces quelques mots pour te dire que je suis bien arrivé. Je t’embrasse bien ainsi que mes deux filles. Bien le bonjour à toute la famille. Georges ».

1911 Correspondance Gontard11911 Correspondance Gontard2

 

1911 Correspondance Gontard31911 Correspondance Gontard4

 

Il est breveté vélocipédiste en 1912 et passe dans la disponibilité le 25 septembre 1912.

café Françaiscafé Français 2

Photo de gauche : Alfred Rebuffé au Café Français. De gauche à droite : Edgar Jérôme, André Rebiffé, le frère d’Edgar, x, Alfred Rebuffé

Photo de droite : Georges Gontard au Café Français, roulant une cigarette, debout au fond, 4e à partir de la gauche

1915 avant

De gauche à droite : Edgar Jérôme, André Rebiffé, le frère d’Edgar, x, Alfred Rebuffé

Lorsque la guerre est déclarée en août 1914, Alfred Rebuffé et Georges Gontard sont mobilisés, de même qu’André Rebiffé.

Georges Gontard est rappelé à l’activité le 3 août 1914 au 12e Régiment d’Artillerie de Campagne à Vincennes, puis au 2e groupe du 2e Régiment d’Artillerie Lourde (R. A. L.) qui participe du 6 au 10 août à la bataille de la Marne devant Vitry-le-François. (Voir également l’article « Conscrits »)

1914 - Orléans Gontard Georges en habit de mobilisation

Georges Gontard en habit de mobilisation, avant son départ pour la guerre

Ce 2e groupe, « avec ses 12 canons de 155 (Rimailho), constituait toute l’Artillerie lourde de la IVème Armée. Depuis l’engagement de celle-ci, les 22 et 23 août, dans la bataille des frontières et au cours de la longue retraite de la Semoy à la Marne, il avait été mis successivement à la disposition des divers Corps avec lequel il avait combattu le 28 août devant la Besace et le 2 septembre pour l’interdiction des passages de la Py.

A partir du 3 septembre, le Groupe, maintenu jusqu’alors aux arrières gardes, avait été ramené par marches forcées de jour et de nuit et, traversant toute la profondeur de l’Armée par des itinéraires détournés, parvenait le 5 septembre à 10 heures à Saint-Léger-sous-Margerie, à 25 kilomètres de Vitry-le-François ; il y trouvait là son premier renfort en chevaux et prenait un peu de repos dont il avait grand besoin.

Le 6 septembre, dès le matin, quand tout le monde était au travail pour remettre en état matériel et harnachement, l’ordre de départ arrive ; cette fois, ce n’est plus, paraît-il, pour reculer encore et le groupe va se former en position d’attente, à Morampont, au pied de la colline de Margerie-Hancourt. C’est là, que, vers 11 heures, je recevais l’ordre du Général Joffre, daté du 6 septembre, qui était aussitôt lu aux batteries, et quelques instants plus tard, j’étais appelé à Margerie-Hancourt par le Général Bapst, commandant l’artillerie du 12ème Corps, à la disposition duquel nous étions placés. De ce moment, et pour toute la durée de la bataille qui commençait, le 2ème Groupe du 2ème Régiment d’Artillerie lourde allait partager la fortune du 12ème Corps, faite de gloire mais aussi de douloureux sacrifices ». (Extrait de l’historique du 2e Groupe du 2e Régiment d’Artillerie Lourde à la bataille de la Marne)

Les journées des 6 au 10 septembre 1914 sont minutieusement décrites dans l’historique du Régiment : à l’aube du 10 septembre, « Quand le jour se lève, les saucisses ne sont plus là ; la fin de cette présence obsédante est pour nous une véritable délivrance ; mais le tir de l’ennemi a repris, et devient bientôt plus violent que jamais ; terrés au fond de nos tranchées, nous subissons sans trop de pertes matérielles cette avalanche de fer, mais dans ce roulement énorme sans trêve des marmites de 15 qui dégringolent du haut du ciel, dans ce fracas des explosions, il faut avouer que le moral commence à être ébranlé ; et puis, il y a cette solitude de chacun, isolé au fond de son trou, séparé du reste du monde, qui est déprimante ; il faut se raidir et bander toute sa volonté pour continuer à agir et à faire agir, pour maintenir avec toute l’intensité possible le feu bien réduit que nous pouvons encore fournir ce matin. Je regarde mes batteries qui n’alignent plus que 4 canons au lieu de 12 et dont la manœuvre n’a plus la précision et la célérité de naguère ; c’est que, sur 150 canonniers que j’ai amenés sur cette position, 30 sont enterrés là, et que près de 90 blessés ont été évacués sur l’Ambulance de Bussy-aux-Bois ; il a fallu reconstituer entièrement ce personnel des batteries de tir en puisant dans les échelons et dans les colonnes légères de braves réservistes qui seront à leur tour excellents dans quelques jours, mais qui ne peuvent avoir d’emblée l’entraînement et la maîtrise des spécialistes qu’ils remplacent ; avec le matériel bien usagé qu’ils manipulent, des incidents se produisent à chaque instant, et le tir est décousu et ralenti.

Mais ces artilleurs boches n’ont donc pas souffert eux aussi ? Notre tir les a donc épargnés pour qu’ils soient encore capables de ce feu infernal ? Tout de même, en y regardant bien, ce feu est plus violent que bien ajusté et paraît même assez désordonné, et puis, son intensité décroît et, tout à coup, tombe ». Au soir du 10 septembre 1914, le groupe rentre au cantonnement de Gigny-aux-Bois.

Selon les notes qu’il a laissé, il participe ensuite aux combats de Ville-sur-Tourbe du 15 au 18 septembre, puis aux combats de Minaucourt et prend position à Wargemoulin du 26 au 30 septembre 1914. Il part ensuite pour Somme-Suippe pour cinq mois. Le 3 janvier 1915, il part dans la Somme, à Albert et obtient sa première permission de quatre jours alors qu’il est à Dommartin. En février 1915, il est de retour en Champagne dans les bois de Perthes-lès-Hurlus et restera en batteries dans ces bois jusqu’en février 1916. Entre temps, il est passé le 1er novembre 1915 au 111e Régiment d’Artillerie Lourde et voici effectivement le parcours de ce régiment :

« Le 7e groupe du 111e R. A. L. a été mobilisé à Vincennes comme 2e groupe du 2e R. A. L. Il était armé de 155 Court Modèle 1904 T. R. Débarqué le 13 août à Sommeilles-Nettancourt, il entre en Belgique et prend part, avec le 2e C. A. Colonial, aux combats à l’est de Florenville le 23 août. Il retraite avec le 17e C. A. par Beaumont, combats sur la Meuse, la Besace, la Berlière, les Petites-Armoise, Quatre-Champs, Grigny-aux-Bois. Les 6, 7, 8 et 9 septembre, il appuie le retour offensif (ferme des Petites-Perthes), et participe à partir du 11 à la poursuite jusqu’à Wargemoulin, où il commence la guerre de position.

 Il participe jusqu’à mars 1915 aux combats devant Perthes, Mesnil-lès-Hurlus, Cote 200, Fortin de Beauséjour, avec les 15e et 17e C. A. et le 2e C. A. C. De mars à juin 1915, stabilisation dans le même secteur. En juillet, le groupe fait partie d’un équipage de siège dans la Somme. Au début de septembre, il revient en Champagne et prend part avec le 11e C. A., à l’offensive du 25 devant Tahure, le Trapèze et la Butte du Mesnil. Du 26 septembre au 30 octobre, il reste en position au Bois des Lièvres, coopère à la prise de la Butte de Tahure et à la défense contre le retour offensif allemand du 29 octobre ; soumis pendant un mois à un bombardement continu, il y perd 12 officiers, dont 3 tués et 50% de son personnel mis hors de combat.

 Le 1er novembre 1915, il devient 7e groupe du 111e R. A. L. En novembre et décembre 1915, période de stabilisation. Le groupe est ramené au Sud de Mesnil-lès-Hurlus (défense du Secteur de Tahure à la Butte du Mesnil), position des abris Molandin et des entonnoirs de Perthes. En janvier et février 1916, repos à Courtisols et à Mailly ».

1914 - 1915 hiver Gontard Georges1915 - Courtisols Gontard Georges

A gauche : Le 111e Régiment d’Artillerie Lourde en batterie dans les bois de Perthes-lès-Hurlus, avec un canon de 155 CTR. Georges Gontard tient l’obus.

A droite : Georges Gontard à Courtisols en 1915, selon la date inscrite au dos de la carte, mais pourrait-être plutôt 1916.

Il est détaché le 21 février 1916 à la disposition des Ateliers de Construction de Bourges en tant qu’ajusteur mécanicien, passé le 1er juillet 1917 au 1er Régiment d’Artillerie de Bourges, toujours à l’arsenal de Bourges jusqu’au 10 novembre 1918, envoyé à Saint-Nazaire jusqu’au 19 juillet 1919 où il est démobilisé.

1914 correspondance

G. Ramolet (sous la croix) écrit le 11 novembre 1914 à ses oncle et tante Gontard-Marie : « J’ai appris par papa lorsqu’il est venu me voir que Georges en avait réchappé belle un jour ! Je souhaite que comme cette fois-là il ait toujours la chance de passer à côté. Je vous envoie une photographie d’éclopés de la guerre, souvenir de votre neveu qui pense toujours à vous et de Cognac vous embrasse bien fort».

Ramolet Gustave recto

Au dos de la carte, Gustave Ramolet, à droite, a écrit : « A l’occasion du jour de l’an, je vous envoie mes meilleurs souhaits de bonne année et de parfaite santé, ainsi que ce petit souvenir ! J’ose espérer que Georges est toujours bien portant ? Mes meilleurs vœux pour qu’il vous revienne au plus vite et que nous connaissions enfin la fin de ce cauchemar. Dans quelques temps, je serai parmi vous… ».

Alfred REBUFFÉ

Alfred Rebuffé n’aura pas cette chance. Lorsque la guerre se déclare, il est célibataire et travaille comme monteur en chaussures aux établissements A. Brinon Fils. Il est incorporé le 19 décembre 1914, soldat de 2e classe au 153e Régiment d’Infanterie. (Voir aussi l’article « Conscrits »)

Sa sœur, Cécile, lui envoie une carte de correspondance des armées le 27 septembre 1915, dans laquelle elle lui dit : « …on s’ennuie de ne rien recevoir de toi, mais de ce moment vous avez du travail et avec cela les postes ne distribuent pas de lettres de sur le front… » ; carte qui revient à l’expéditeur avec la mention « Le destinataire n’a pu être atteint ».

CarteCécileCarteGontard

Son beau-frère, Georges Gontard marié à leur sœur Albertine, lui envoie également une carte le 30 septembre qui revient avec la même mention.

Emile, le père d’Alfred reçoit cette lettre de la présidence de la République datée de Paris, le 31 janvier 1916,

LettrePrésidence

Puis cette carte de la Croix Rouge allemande

CroixRougeRectoCroixRougeVerso

 

Suite à une demande du 25 janvier 1916, le comité central de la Croix Rouge allemande avertit Emile Rebuffé, le 28 février 1916, que son fils ne se trouve pas en captivité en Allemagne :

Le nom du dénommé Rebuffé Alfred porté dans votre demande, n’est pas spécifié dans les listes qui sont actuellement en notre possession. Nous ne pouvons donc malheureusement pas donner de renseignement sur la requête. Ensuite la carte semble dire que des nouvelles de vos ressortissants seront données quand la possibilité se présentera dans les camps de prisonniers de guerre existants, mais la requête n’a pas été faite, alors il est supposé qu’il ne se trouve pas en captivité en Allemagne.

Puis Emile reçoit cette carte de l’agence des prisonniers de guerre « Les nouvelles du soldat » tamponnée de Paris le 23 mars 1916.

NouvellesSoldatRectoNouvellesSoldatVerso

« En vous présentant nos salutations très distinguées, nous avons l’honneur de vous informer que [ce début est imprimé, le reste de la carte est manuscrit] parmi les hommes du 153e infanterie ayant pris part le 25 septembre 1915 au combat de Beauséjour quelques-uns sont internés à Meschede (Westphalie) à Crefeld (Rheinal) et à Limburg réserve lazaret (Hesse).

Vous pourriez écrire une Carte Postale à l’Aumônier français prisonnier de guerre de chacun de ces camps, en le priant d’interroger ces hommes sur le sort de Rebuffé Alfred.

De notre côté nous continuons les recherches ».

Il suit donc le conseil donné par l’agence et écrit trois cartes « Correspondance des Armées de la République » pour chacun des trois aumôniers mentionnés qu’il n’a apparemment pas envoyées : « M. l’Aumônier français, vous m’excuserez si je vous écris c’est pour vous demander d’avoir la bonté d’interroger vos hommes de votre camp au sujet de mon fils Rebuffé Alfred disparu à Maisons de Champagne le 25 septembre 1915 du 153e d’infanterie 9e compagnie 1e section secteur 125 matricule 11103. En attendant votre réponse je vous remercie d’avance de votre bonté et croyez à mes saluts empressés. Rebuffé Albert passage du Nord Pussay Seine-et-Oise ».

Cependant, il reçoit une réponse de l’aumônier du camp de Meschede : Envoi, dans une lettre tamponnée du 28 avril 1916 du camp de prisonnier de Meschede, de M. l’abbé L. Selingue, aumônier français au camp de prisonnier de guerre de Meschede, à M. Rebuffé Babault, passage du Nord à Pussay (Seine-et-Oise) France :

LettreMeschedeLettreSelingue

« En réponse à la carte que vous avez bien voulu m’adresser pour me demander des renseignements sur M. Alfred Rebuffé du 153e de ligne, il m’est pénible de vous faire savoir que je ne puis vous en donner aucun. Deux soldats seulement de ce régiment étaient venus ici, commencement d’octobre. L’un et l’autre sont partis maintenant au travail.

Peut-être au camp de Giessen y a-t-il encore maintenant quelques soldats de ce régiment. Vous pourriez écrire à M. l’Aumônier de ce camp. Que Dieu bénisse vos recherches !

Avec mes regrets de ne pouvoir vous être agréable, recevez je vous prie, l’expression de mes sentiments dévoués ».

Il est donc probable qu’il ait envoyé les trois cartes et conservé un double.

Il a d’ailleurs suivi le conseil de l’aumônier de Meschede, puisqu’il reçoit une carte du camp de prisonnier de Giessen datée du 9 mai 1916, lui indiquant que son fils ne se trouve pas et ne s’est jamais trouvé dans le camp de Giessen.

RéponseGiessenRectoRéponseGiessenVerso

Il lui faudra se rendre à l’évidence : son fils a été tué à l’âge de 20 ans. Par jugement déclaratif de décès rendu le 7 décembre 1920 par le tribunal civil d’Etampes, la date du décès du soldat Rebuffé Alfred Eugène a été fixée au 25 septembre 1915 et son décès transmis sur les registres de la mairie de Pussay le 23 avril 1921.

Par décret en date du 13 décembre 1923, il reçoit la croix de Guerre avec étoile d’argent, avec cette citation : « Courageux soldat, plein de zèle. Tombé glorieusement au champ d’honneur, le 25 septembre 1915 à Maisons-en-Champagne, en se portant à l’attaque avec sa vaillance coutumière ».

1924 - croix de guerre Rebuffé Alfred

Voici Eva et Gisèle, à gauche, avec leur mère Albertine Rebuffé-Gontard vers 1915-1916 et à droite avec Roger le fils de Cécile né en 1914. Cette photo date de fin 1918 ou début 1919, puisque les deux fillettes portent dans leur bras des poupées représentant l’Alsace et la Lorraine. Tous trois portent également une croix de guerre.

vers 1915 ou 1916 Gontard ( Rebuffé) Albertine - Eva à gauche Gisèle à droite1918 vers

Eva Gontard, la blonde, Gisèle Gontard la brune et Roger Rebuffé vers 1918

1925 - 1930 vers

Eva assise à droite et Gisèle debout à gauche, avec leurs amies, dont Yvonne Misermon assise à gauche, vers 1925-1930. Admirons les toilettes, les coiffures et les poses. Gisèle Gontard épousera plus tard Jacques Péan et donnera naissance à Colette Meyer-Péan.

Le 28 juin 1921, le sous-intendant militaire chargé du service des pensions écrit à Mme Rebuffé née Babault à Pussay pour lui faire connaître qu’il a reçu pour elle un titre de pension de 400 francs avec point de départ légal du 2 avril 1919.

Le 25 août 1921, Emile Alexandre Rebuffé écrit au receveur de Méréville qu’il a touché à la caisse d’épargne de Pussay la somme de 130,04 francs, montant du livret de son fils Alfred.

Sources :

Fiches matricules, archives départementales des Yvelines en ligne

Registre d’état civil, archives départementales de l’Essonne en ligne

Tous les autres documents et photographies relatifs aux familles Rebuffé et Gontard, nous ont été transmis par Colette Meyer-Péan, fille de Jacques Péan, que nous remercions infiniment.

Retour en haut