La mécanisation et la concentration : l’usine A. Brinon Fils

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Adolphe Brinon naît le 3 janvier 1831 à Mer dans le Loir-et-Cher et entreprend des études de notaire. Il est probable que dans ce cadre-là il se retrouve à exercer à Gommerville, à 4 km de Pussay et qu’il fait ainsi la connaissance de Bathilde Boyard, petite-fille de Charles Boyard, fondateur de la manufacture Boyard en 1796, qu’il épouse en 1855. Louis Boyard, le père de Bathilde meurt en 1854 et Adolphe Brinon s’associe alors avec sa veuve, Célina Ancest, pour continuer l’exploitation de la fabrique. Sa femme décède en 1864 et il se remarie beaucoup plus tard en 1882, avec Rose Belzacq elle-même veuve de Louis Buret autre fabricant de Pussay

Adolphe Brinon

Célina Ancest

Modernisation de la manufacture

Il faut reconnaître qu’il impulse un souffle nouveau à l’entreprise, transformant radicalement le métier en utilisant les ressources de la mécanisation et de la vapeur. Dès 1862 il fait bâtir une foulerie à vapeur hors les murs du village, de l’autre côté de la rue du midi, l’actuelle rue Charles Michels. Une autorisation est demandée par « Mme Vve Boyard fils et Brinon » pour établir une chaudière pour locomobile de la force de 6 chevaux, la machine à vapeur servant à donner du mouvement à 2 foulons et 1 essoreuse. Le combustible utilisé est la houille, la hauteur de la cheminée doit être de 16 m et elle fonctionne le 8 mai 1862.

la carte a été postée le 27 décembre 1908

De nouveaux ateliers ne cessent de se construire en 1875 et tout au long des années 1880, qui sont les années décisives pour l’avenir des fabriques : elles investissent, se modernisent, se concentrent, se développent ou disparaissent. En 1875, la fabrique « Vve Boyard et Brinon » emploie 75 ouvriers, un an plus tard, elle en emploie 90 et en 1881, 150 ouvriers y travaillent.

Les cordonniers. Tout à gauche : leur contremaître, M. Mazaudier

Les charbonniers

Les mécaniciens – 1906

De gauche à droite, 1er rang assis : 2e Charles Firon, 3e Louis Firon avec son fils Hubert dans les bras, 4e Jules Firon

2ème rang : 2e Prudent Firon, 5e Adolphe Firon

Le personnel de l’atelier d’enformage – 1906

Photo de groupe des ouvrières. Le cachet de la poste ne permet pas de la dater

Photo de groupe non datée, mais probablement prise vers la même époque

Le bureau des usines A. Brinon Fils

De gauche à droite : Paul Rebiffé, X, Jacques Brinon, Henri Rebiffé, X, Léon Rebiffé, X, X, Fernand Rebiffé

Dans les ateliers, le travail s’exécute à la fois mécaniquement et à la main. Un rapport de février 1878 observe « 9/10 du travail se fait mécaniquement, 1/10 se fait à la main ». Cela ne vaut que pour le travail effectué en atelier puisqu’il reste par ailleurs disséminé dans la campagne environnante et que de nombreuses ouvrières tricotent et cousent encore à la main dans la commune même. Pendant toute cette période d’après-guerre, de 1870 à 1880, le nombre des ouvriers fixes en atelier n’a cessé d’augmenter, passant d’environ 300 à 400. Pour plus de détail sur l’environnement et les usines de cette époque, se reporter au chapitre d’en-tête général.

Entrée de l’usine

Ces photos ont été prises en 1922 en vue d’une nouvelle estimation de l’usine et avant la rénovation complète des ateliers, illustrée plus loin par de nouvelles cartes postales. Bien que les ateliers aient vieilli en 1922, ils sont tout de même le reflet de ce qui avait été construit à la fin du 19ème siècle.

L’atelier des cardes qui effilochent la laine pour constituer le fil

Sur la gauche, 1er rang, 1er le contremaître, 6e Georgine Gaulthier, 2e rang, 1ère Julia Bunet. Sur la droite, 1er à gauche Robert Quinton

L’atelier des renvideurs qui travaillent le fil et l’enroulent sur les fusettes

L’atelier de tissage

L’atelier de bonneterie

L’atelier des bobinoirs

L’atelier des métiers à flanelle

La foule

Les bacs à teinture

Le 3 janvier 1880, une société pour la fabrication et le commerce de bonneterie de laine est créée entre Adolphe Georges Brinon et Charles Louis Emile Boyard, fils de Louis Boyard et Célina Ancest, sous la raison sociale « Vve Boyard Fils et A. Brinon », au capital de 120.000 F, fourni par moitié par les deux associés. M. Brinon se réserve le droit de s’adjoindre son gendre Georges François Gry.

Georges Gry

Cécile Brinon

Cette société est dissoute le 1er janvier 1883, Charles Boyard s’étant installé fabricant de bas et de couvertures à Orléans. A la même date, est créée pour 18 ans, la société « A. Brinon et Georges Gry », au capital de 120.000 F, le siège social étant celui de la maison Vve Boyard fils et A. Brinon. Elle est constituée par l’association de deux établissements :

–         celui de MM Brinon et Charles Louis Emile Boyard sous la raison sociale « Veuve Boyard fils et A. Brinon »,

–         et celui de Mme Rose Virginie Irma Belzacq, épouse de M. Brinon, sous la raison sociale « Veuve Louis Buret ».

M. Brinon se réserve le droit de faire entrer quand bon lui semble, dans la société, ses deux fils Gustave et Henri. (ADE, actes des sociétés).

Le 28 mars 1886, Adolphe Georges Brinon, Georges François Gry, son gendre, Gustave Henri François Brinon et Charles Henri Brinon, ses fils, adhèrent à la société « A. Brinon et Georges Gry ».

Suite des photos du dossier de 1922

L’atelier d’enformage

L’atelier de cordonnerie

Atelier de couture

Atelier des formes chaudes

Atelier des formes chaudes

La centrale électrique

Le stockage des fusettes

Atelier annexe à la foule

Le 23 mars 1901, Adolphe Brinon, ses fils et son gendre passent un acte de continuation de l’association formée entre eux pour une durée de 18 ans à partir du 1er janvier 1901. Sous l’article 14, il est convenu que le 31 octobre 1913, Georges Gry se retirerait de la société et sous l’article 15, qu’Adolphe Brinon se retirerait « quand bon lui semblerait ». Le 29 mai 1904, il est reconnu que MM Brinon père et Georges Gry se sont retirés de la société depuis le 31 décembre 1903, que Gustave et Henri Brinon continueront seuls la société qui s’appellera désormais « Les fils de A. Brinon ». L’une des dernières innovations d’Adolphe Brinon est de demander en 1901 l’autorisation d’établir un appareil pour la fabrication du gaz acétylène d’une capacité supérieure à 1000 litres pour l’éclairage de ses ateliers.

Lorsqu’il quitte la société en 1903, il a 72 ans.


Les avancées sociales

Il ne se préoccupe pas seulement de la bonne marche de l’entreprise. Il fonde la caisse de secours de la manufacture A. Brinon ses fils et Georges Gry en 1896. Cette dernière avait pour but de venir en aide, au moyen d’une subvention journalière, à tout ouvrier qui, par maladie ou accident, se trouvait dans l’impossibilité de travailler, et cela sans préjudice aux indemnités versées par l’assurance contre les accidents établie déjà dans l’usine. Elle avait été constituée au moyen d’un don que M Brinon avait fait à la caisse et était alimentée par les cotisations mensuelles des ouvriers fixées à l’époque à un franc par mois pour tout ouvrier âgé de 18 ans et à cinquante centimes par mois pour les apprentis au-dessous de 18 ans et alimentée également par les amendes infligées pour infraction au règlement en vigueur dans l’usine. Pour subvenir aux frais funéraires, il était alloué une somme de 40 francs à la famille du défunt et tout ouvrier qui n’assistait pas à l’enterrement d’un camarade avait une amende d’un franc, à moins qu’il n’en soit dispensé par une cause valable.

Il crée également une fanfare vers 1888.

Il construit un nouveau bâtiment pour l’orphelinat en 1890. Dans un courrier de février 1902 qu’il transmet au sous-préfet, le maire de Pussay précise que cet établissement « reçoit des jeunes filles depuis leur bas âge jusqu’à 20 ans. On m’a dit que ces jeunes enfants sont orphelins ou appartiennent à des parents qui les délaissent par pauvreté ou inconduite. Dans cet ouvroir qui est dirigé par la sœur Martine (née Robert Marie Marguerite) les enfants travaillent à la couture pour des confections. L’usine A. Brinon ses fils et Georges Gry manufacturiers de Pussay leur donne également de l’ouvrage. Elles sont au nombre de 24 c’est une œuvre très utile pour ces enfants ».

L’orphelinat – La carte est datée de février 1904

Et une cité pour loger les ouvriers en 1895 et 1896. Le grand bâtiment comportait 14 logements et le petit 6.

Cité Brinonville – la carte est datée du 9 septembre 1908

Les principes d’éducation

Mais surtout il soutient de toutes ses forces l’école libre des sœurs de la Sainte-Enfance établie à Pussay en 1846, en mettant gratuitement à leur disposition un bâtiment lui appartenant et en subvenant à leurs besoins, convaincu qu’il est de son devoir non seulement de fournir du travail à ses ouvriers mais de leur procurer aussi soins, loisirs et de s’occuper de leur âme. Il est persuadé que seule une éducation religieuse stricte peut remédier aux dérives qu’entraîne la promiscuité entre filles et garçons dans les grands ateliers de son usine.

Sur ce plan-là, il n’a pas tort et le curé de Pussay nous brosse un portrait édifiant des mœurs de l’époque. le texte date de 1905 mais s’applique bien sûr aux années précédentes : « Il faut établir avec tristesse que les catéchismes sont à peu près nuls A) pour la première année comme présence et travail ; B) pour la première communion comme travail. Depuis longtemps, me dit-on,  et peut-être depuis toujours il en fut ainsi dans la paroisse. Les parents aspirant autant qu’ailleurs, sinon plus, à ce que les enfants soient « débarrassés » le plus tôt possible pour aller à l’usine. et cette horrible et inconsciente phrase est le refrain répété depuis le premier catéchisme « Quand tu auras communié, tout sera fini. Tu auras fait tout ». Y a-t-il dix familles où cette insanité ne soit pas dite ? Comment préparer une persévérance avec de telles âmes ?

Une note sur la jeunesse doit être ici accentuée. Chez tous, elle est donnée d’un mot, je la confirme hélas avec la plus profonde tristesse et pour l’avenir moral et pour l’avenir religieux de la paroisse. A peu près toutes les mères admettent comme une nécessité, car elles y ont passé ! que dès 15 ou 16 ans, leurs filles aient et fréquentent leur « bon ami ». Elles disent cela avec une simplicité qui effraie. Les conséquences se devinent. A cette immoralité, les garçons joignent l’abus du tabac et la fréquentation des cabarets. Aussi la tuberculose est-elle la grande et hâtive faucheuse de ces existences usées avant d’être formée.

D’où à nouveau, comme conclusion, la nécessité impérieuse de former plus chrétiennement les filles à l’école libre et de fonder une école chrétienne pour les garçons où l’objectif premier soit de créer des foyers chrétiens.

Qu’il serait à souhaiter pour la moralité 1) que nul contact de travail n’existe entre hommes et femmes (à l’usine) 2) et que la surveillance des ateliers et des cabinets soit plus étroite ! ».

Ouvrières de l’usine

Il n’est pas rare de trouver dans les registres de cette fin du 19ème début du 20ème des naissances d’enfants naturels dont les mères sont jeunes (19/20 ans) et ouvrières en laine. Cependant, il est à noter que bien souvent, si l’enfant vit plus d’un an, la situation est régularisée par un mariage ou alors le père reconnaît son enfant.

Tout est donc dit dans les quelques phrases du curé. L’objectif de la famille Brinon toute entière se trouve là et pour y parvenir elle ne ménage ni sa peine ni son temps ni son argent. Leur seul tort sera de penser qu’il n’y a qu’un chemin pour y parvenir, surtout en cette période charnière entre les deux siècles qui voient voter les lois sur l’école de Jules Ferry, les lois de 1901 sur les congrégations non autorisées et l’interdiction faite à leurs membres en 1904 d’enseigner qui frappent bien sûr de plein fouet l’école libre de Pussay, et la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905, autant d’événements qu’Adolphe Brinon rejette et contre lesquels il lutte de toutes ses forces. Il va d’ailleurs pouvoir s’investir à fond dans les affaires communales, auxquelles il participait déjà, étant conseiller municipal depuis de nombreuses années, puisqu’il laisse en décembre 1903 la direction de l’usine à ses fils, Gustave et Henri, et qu’il est élu maire en 1904.

Les prémices d’une opposition

Le journal « L’Abeille d’Etampes » relate que le 20 mai 1905, quatre cents membres de la « Jeunesse catholique » arrivent en gare d’Etampes pour se rendre en cortège à Saint-Basile, au patronage de la Promenade-des-prés et à l’église Saint-Martin. Pour prévenir tout débordement, le maire de la ville se rend à la gare pour lire aux manifestants un arrêté municipal pris en 1892, interdisant toute procession sur le territoire de la commune. Et le journal d’écrire « Toutes ces précautions sont loin d’être inutiles. Les forces de l’ordre ne sont pas les seules à avoir préparé un comité d’accueil. 50 ouvriers des usines Brinon, de Pussay, sont venus grossir les rangs des anticléricaux Etampois ».

Dans la foulée, Alphée Perchereau crée le 2 juillet 1905, le « comité de propagande et de défense républicaines » ayant pour but de faire connaître les vrais principes républicains, de les défendre contre toutes entreprises cléricales, réactionnaires ou nationalistes. Son action s’exerce par la propagande individuelle, par des réunions, par des conférences ou par tels autres moyens qu’il jugera efficaces.

Carte de visite de L. Cuissard, secrétaire trésorier du comité, recto

Carte de visite de L. Cuissard, secrétaire trésorier du comité, verso

Carte de visite du secrétaire trésorier du comité de propagande et de défense républicaine de Pussay – Membre de la libre pensée – Correspondant particulier du « Gâtinais »

Il est composé de membres adhérents dont le nombre n’est pas limité et qui sont recrutés parmi les républicains de nuances radicale, radicale-socialiste et socialiste, et de membres participants. Le siège du comité est fixé à Pussay. Le président est Alphée Perchereau, le vice-président P. Dargère, le secrétaire trésorier L. Cuissard, le commissaire O. Dargère, les membres I. Mulard, Plu père et Petit, tous de Pussay.

Ses membres se réunissent pour échanger leurs idées, étudier la situation, discuter les questions du moment et prendre, à la majorité des membres adhérents présents, telles mesures que les circonstances pourraient imposer. En cas de dissolution du comité, les fonds disponibles devaient être répartis entre les écoles communales laïques de Pussay et des communes environnantes proportionnellement à leur nombre d’adhérents au comité.

Ce comité entre en action rapidement car le 16 novembre, les établissements Brinon congédient pour le 1er décembre une trentaine d’ouvriers originaires de la Corrèze et plus particulièrement de Tulle. Trois relations des faits sont à notre disposition.

Les établissements Brinon, en la personne de M Pfeiffer, comptable et surveillant à l’usine, expliquent dans une lettre au brigadier de gendarmerie d’Angerville que le manque de travail a conduit la direction à congédier un certain nombre d’ouvriers originaires de la Corrèze puisque l’usine a intérêt à occuper plutôt les gens du pays. Afin de leur permettre de se procurer du travail il leur a été accordé 15 jours, la signification leur a été donnée le 16 pour la fin du mois. M Pfeiffer juge utile d’alerter la gendarmerie car, croyant être victime de parti pris, ces personnes veulent faire du « chambard ». Ils se sont d’ailleurs réunis chez M. Cuissard « un révolutionnaire », pour en discuter. En conséquence conclut-il « nous nous armerons étant en cas de légitime défense » et il suggère au brigadier de les calmer par l’intimidation.

Le comité de propagande et de défense républicaines de Pussay affirme quant à lui dans une lettre au sous-préfet que MM Brinon père et fils ne cessent d’attenter à la liberté de penser de leur personnel. Ils ont commencé par fonder un cercle catholique auxquels ils voulaient voir assister tous leurs ouvriers pour y faire la prière et maintenant, ils les mettent en demeure sous peine de renvoi de signer une protestation contre la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Beaucoup d’ouvriers refusent d’où leur renvoi. Le manque de travail ne peut être invoqué puisqu’en ce moment, il est encore fait des heures supplémentaires. « Ils sont chassés pour avoir voulu rester bons et loyaux républicains » et se sont adressés au comité pour obtenir des secours.

Enfin, le sous-préfet, dont les sources de renseignement ne sont autres que le comité de propagande, affirme que pas un instant le calme le plus complet n’a cessé de régner à Pussay hormis dans l’imagination de MM Brinon et Pfeiffer. Les ouvriers ont été congédiés le 16. Ils se sont réunis le 19 chez MM. Cuissard et Perchereau pour rédiger et signer une demande adressée à lui sous-préfet pour obtenir une aide sous forme de secours et de transports de route. « Si sous l’irritation légitime du renvoi, ces hommes ont pu proférer des menaces ou injures, il ne s’est en aucun cas agi d’organiser un « chambard » ». Le sous-préfet précise que les ouvriers n’ont pas été congédiés par manque de travail, mais parce qu’ils ont refusé de signer une pétition contre la séparation de l’Eglise et de l’Etat et il ajoute que les ouvriers, voire même d’autres habitants de la commune sont l’objet de tentatives de pression violente ou plus généralement insidieuse de la part du père et des fils Brinon pour vivre dans l’esprit et les règles religieuses et ce depuis la laïcisation des écoles.

Début décembre, le préfet peut rassurer les ministres concernés « …Les ouvriers licenciés ont été pour la plupart rapatriés gratuitement… La population de Pussay est absolument calme, aucun incident sérieux ne s’est produit et l’ordre ni la liberté du travail n’ont pas été troublés jusqu’à ce jour ».

Ces relations donnent une idée de l’atmosphère qui règne alors entre les patrons et une partie des ouvriers, mais dans l’ensemble, il n’y a pas à proprement parler de graves problèmes. Ces dissensions ne sont d’ailleurs que le reflet de celles qui agitent la nation et la question de la propriété des biens ecclésiastiques ajoutera encore à ce climat tendu.

Préoccupations socio-culturelles d’avant-guerre

Autre reflet de l’époque, la création en 1909 de la société de gymnastique La Jeanne d’Arc. Son président, Gustave Brinon, fils aîné d’Adolphe Brinon, en a déposé les statuts le 12 juin. Elle s’y intitule « société de gymnastique, de sports et de musique », mais très vite elle est enregistrée comme société de gymnastique, de tir et de sports. Partout en France des sociétés de ce genre, nombreuses à se réclamer du nom de Jeanne d’Arc, se fondent pour exalter tout à la fois les valeurs sportives, patriotiques et préparer les jeunes à affronter ce que l’on perçoit déjà comme une revanche de 1870.

Lorsqu’elles obtiennent l’agrément du ministre de la guerre, elles en reçoivent également des subventions. La Jeanne d’Arc de Pussay entre dans cette catégorie. Ses statuts précisent qu’elle a pour but « de développer par l’emploi rationnel de la gymnastique et des sports, les forces physiques des enfants et des jeunes gens et de préparer au pays des hommes robustes et de vaillants soldats ; de développer chez ses membres, en même temps que les forces physiques, les facultés intellectuelles et morales par la culture de la littérature et de la musique ; de perfectionner leur instruction et leur éducation dans des réunions instructives et récréatives où ils trouveront des relations agréables et utiles tout en créant entre ses membres des liens d’amitié et de solidarité ».

Concours de gymnastique présidé par Mgr Gibier et la duchesse d’Uzès, Pussay le 5 juin 1911

Gustave Brinon en est certes le président mais il s’appuie dans sa tâche sur le tout nouveau curé de Pussay, Paul Eugène Mainfroy, nommé en 1908 par l’évêque de Versailles. Il est passionné de théâtre et ne tarde pas à monter des pièces dans le cadre du patronage ou pour la distribution des prix de l’école libre.

La succession du père

Adolphe Brinon décède en 1911. Ses fils tentent de diriger ensemble l’entreprise mais bien vite, ils se rendent à l’évidence que c’est impossible et ils décident de se séparer. Henri conserve la direction de l’usine et paye sa part à son frère. Le 1er mars 1913, la société « Les fils de A. Brinon » créée en 1904 et exploitée par Gustave et Henri Brinon est purement et simplement dissoute. Henri Brinon est seul liquidateur.

Les deux frères sont de caractère et de tempérament différents et ne s’entendent guère. Monseigneur Gibier disait, dans le discours prononcé lors de ses obsèques, qu’Adolphe Brinon avait su donner « à l’aîné de ses fils quelque chose de la franchise de son accueil, au second quelque chose de la vivacité de sa foi ». Cette petite phrase est bien révélatrice d’une différence notable dans la personnalité et la psychologie des deux frères. Henri, le cadet, est un gestionnaire et un industriel toujours dans les chiffres ; Gustave est à l’opposé un excellent commercial, jovial et bon vivant, dépensant largement.

Leurs épouses sont de surcroît à leur image. Henri a épousé Adrienne Buret, une femme très croyante comme son mari, plutôt austère, même si elle est très prévenante et très bienveillante. Ils ont cinq enfants : Pierre, Jean, Jacques, Marie-Thérèse et Germaine. Adrienne est pussayenne de longue date, puisqu’elle est la fille de Marie Ballot et d’Edmond Buret, fabricant de bas à Pussay. Ce dernier a cessé son activité en 1894, son affaire étant trop petite par rapport à celle de ses concurrents.

Henri Brinon

Adrienne Buret

Ils apparaissent fort peu, pour ne pas dire jamais, en photographie dans les relations des journaux ou sur des cartes postales.

A l’inverse, Louise Bourgoin et Gustave Brinon s’y montreront d’autant plus que Gustave avait été élu maire de Pussay le 7 mai 1911.

Gustave a quant à lui épousé Louise Bourgoin qui n’est pas originaire de Pussay et dont il a cinq enfants également : Suzanne, François, Etienne, Paul et Marcelle. Louise est une très belle femme, aimant la fête, donnant de grandes réceptions et portant admirablement la toilette, aux dires de Mlle Colas couturière émérite et de grande renommée à Pussay et dans les environs, dont elle est la cliente. A l’époque, a-t-elle coutume de dire, les femmes à habiller à Pussay sont nombreuses. Madame Gustave Brinon est l’une d’entre elles, une très belle femme, l’une des mieux habillées. La personnalité des deux femmes accentue donc encore la différence entre les deux frères.

Les gymnastes assemblés sur le perron de la maison de M. et Mme Gustave Brinon, au fond, au centre de la photo le 5 juin 1911

L’acte de partage établi le 1er mars 1913 entre les deux frères prévoit que les paiements cessent si une guerre intervient. Cette précaution avait été prise pour le cas où les affaires s’arrêteraient. Un an après, le 1er mars 1914, les trois fils de Gustave : François, Etienne et Paul, créent leur propre entreprise qu’ils baptisent : « Les fils de Gustave Brinon ». Elle deviendra par la suite la société « Figubri ». Deux bâtiments sont construits mais la guerre ralentit tout et l’usine ne tournera à plein qu’en juillet 1918.

Mais en 1914, cette nouvelle usine est forcément concurrente de celle d’Henri et lorsque la guerre arrive effectivement, ce dernier cesse ses paiements. De ce fait, Gustave se retrouve sans argent alors que l’usine d’Henri continue de tourner. Conseillé par ses proches et en particulier son beau-frère Henri Buret, Henri Brinon reprend ses paiements. Mais cela n’empêchera pas Gustave et ses fils de débaucher le personnel d’Henri, ce que l’acte de partage interdisait. Ces événements allaient laisser des traces à jamais indélébiles.

Les lendemains sociaux de la guerre

Un acte évoque bien la personnalité d’Henri Brinon. La guerre ayant épargné son fils Jacques et protégé sa maison, il tient à rendre grâce à Dieu de la victoire et il fait placer, dans la centrale électrique de son usine une statue du Sacré-Cœur.

Centrale de l’usine où avait été placée la statue du Sacré-Coeur

À droite de la statue, une plaque sur laquelle il avait fait graver ces mots « en exécution du voeu que j’ai formé le 5 septembre 1914 de placer en mon usine une statue du Sacré-Coeur de Notre Seigneur Jésus-Christ si notre patrie était victorieuse, si ma maison était protégée et si mon fils Jacques m’était rendu. J’ai, le coeur plein de reconnaissance, fait ériger cette statue le 13 juin 1920. Daigne Dieu tout puissant en sa miséricorde protéger dans la paix comme dans la guerre notre patrie, notre travail, nos familles et qu’il donne sa paix éternelle à ceux des ouvriers de cette maison qui sont héroïquement tombés pour la défense et l’honneur de la France immortelle. Henri Brinon ». À gauche de la statue, est apposée une plaque « À la mémoire des ouvriers de la maison Brinon morts pour la France », suivent les noms et la formule « REQUIESCANT IN PACE ».

Au lendemain de la guerre, une crise s’amorce. Le 3 mars 1920, le ministre du travail prévient les préfets au sujet de la révision des bordereaux actuels de salaire des ouvriers mineurs pour tenir compte du renchérissement de la vie et notamment du relèvement prochain du prix du pain. « Il est probable que ce relèvement provoquera aux environs du 15 mars prochain des demandes d’augmentation de salaire dans de nombreuses corporations ».

Effectivement dès le 16 mars un rapport de la gendarmerie d’Angerville annonce « Aujourd’hui 16 courant vers 9h30, sur les 600 ouvriers et ouvrières occupés à la maison A. Brinon fils, fabrique de chaussures à Pussay (S et O) 3 à 400 (les hommes en majeure partie) ont cessé le travail réclamant une augmentation de salaire.

« Aucun groupe ne s’est formé dans les rues et aucune effervescence ne règne parmi ces ouvriers qui sont pour la plupart domiciliés à Pussay. Le patron M Henri Brinon momentanément absent doit arriver aujourd’hui sur les lieux et rien ne fait prévoir un conflit de longue durée ». Le lendemain un papier manuscrit relate une communication téléphonique au sous-préfet d’Etampes « Situation inchangée. Aucun incident. Patron rentrera dans 2 ou 3 jours ».

Il semble qu’à cette époque, des syndiqués C.G.T. tentent de mettre sur pied une coopérative de consommation qui échoue. Mais il n’y a pas d’autres traces d’agitation sociale à Pussay dans les archives.

Les lendemains festifs et culturels de la guerre

De leur côté, les Brinon mettent sur pied le club sportif de Pussay le 24 août 1921 avec pour président Jacques Brinon, le fils d’Henri.

L’équipe de foot de la Jeanne d’Arc en 1921

Ils offrent à la population, théâtre, cinéma, fêtes grandioses, toujours dans l’idée d’élever l’esprit de la jeunesse. Voilà ce qu’ils disent du cinéma par exemple « Il est banal aujourd’hui de rappeler la place énorme prise par le cinéma dans les distractions populaires. Il constitue un mode de délassement d’une infinie variété et quand on a travaillé pendant six jours entiers on est heureux de se retrouver en famille devant l’écran prestigieux ou réaliste, qui, tour à tour, instruit, dilate ou émeut. Tout comme la télégraphie ou le téléphone c’est une merveilleuse invention scientifique qui peut devenir un excellent moyen de formation et de moralisation. A toute notre jeunesse avide de belles choses, qui ne demande qu’à grandir dans un idéal de beauté et de force, il est possible enfin de donner non pas les scènes d’apaches, les romans policiers, les farces grossières ou les drames passionnels, mais de beaux films, inspirateurs de noblesse et de fierté.

C’est dans ce but que le comité de la Jeanne d’Arc s’est assuré le concours d’un opérateur qui a fait ses preuves et s’est abouché avec plusieurs grandes maisons de films à Paris pour constituer de ces spectacles pouvant être vus par tous enfants et familles désireux de se recréer honnêtement et sainement ». (L’Abeille d’Etampes). Pussay voit donc passer les films en première exclusivité et toute la population y assiste y compris celle des environs.

Le théâtre des familles donne régulièrement des spectacles, pour le simple plaisir ou pour une œuvre de bienfaisance. Les jeunes filles du patronage donnent par exemple une double séance artistique en vue de créer un fond de réserve destiné à l’œuvre du trousseau. Cette œuvre permet aux jeunes filles de se constituer, en vue du mariage, une dot en linge dont elle confectionne elle-même les différentes parties. « C’est une solution à l’impossibilité de constituer un trousseau à la plupart des jeunes filles dans les familles ouvrières, cela stimule et facilite l’épargne et enseigne le travail manuel, permet à la jeune fille de profiter pour un but utile des rares instants de liberté de sa vie ouvrière ou d’employée ».

La Jeanne d’Arc allie aussi la gymnastique des corps à celle des esprits, car début 1922 elle est agréée par le ministre de la guerre, comme société d’instruction physique et de préparation au service militaire et bénéficie à ce titre des cartouches allouées gratuitement par le ministre de la guerre.

Il vient très vite à l’esprit de ses dirigeants que la Jeanne d’Arc a besoin d’une salle des fêtes et d’un lieu de réunion. L’ancienne filature Lemaire avec sa grande cour et son ensemble de bâtiments est louée pour que la Jeanne d’Arc puisse tout à son aise, s’exercer aux sports, au tir, à la gymnastique, aux délassements et aux saines distractions. Elle est rénovée grâce aux dons des familles Brinon, Duesberg et de l’évêché de Versailles. François Brinon, l’un des fils de Gustave, s’était marié à une demoiselle Duesberg, grande famille de filateurs belges. L’inauguration a lieu le 26 mars 1922, sous la présidence de l’abbé Kollen, directeur diocésain des œuvres de jeunesse à la tête desquelles on retrouve François Brinon.

Une fête de la concorde et de l’amitié est organisée par Gustave Brinon le 18 septembre 1927. Pour ce festival concours, toute la ville est décorée de fleurs et de guirlandes, de verdure et de motifs originaux et le soir de lampions. 2000 roses ont été confectionnées pendant les veillées et accrochées par les habitants dans les branchages ou dans les sapins Toute la jeunesse a participé à la construction des chars et à la cavalcade. Des arcs de triomphe se dressent aux entrées de la ville et aux principales places.

Dans la grande rue, l’arc des jeunes gens « atout » as de carreau, témoignage de sympathie pour le réputé boulanger pâtissier du coin, André Carreau.

Dès le samedi soir, les refrains entraînant des cliques et des fanfares annoncent l’ouverture de la fête dans les rues de Pussay et des communes voisines. A Pussay, la retraite aux flambeaux est suivie par une foule joyeuse et l’enthousiasme est grand lorsque s’allument dans la grande rue les 80 ampoules électriques prêtées par l’usine de Brinonville, alimentées par la dynamo du patronage et montées en guirlande par les jeunes gens de Pussay. Il y a alors 535 ouvriers aux usines A. Brinon Fils et 130 chez Les Fils de Gustave Brinon. (relation de la fête par le journal « L’Abeille d’Etampes »)

Le char de la moisson

Le char de la moisson. Déguisé en jeune meunier, Paul Brinon conduisait lui-même son char, entouré de sa femme, sa belle-sœur et ses enfants représentant le soleil, la moisson, les fleurs des champs, coquelicots et bleuets.

Le char de l’hirondelle

Le char l’hirondelle, barque remplie de matelots, avec en tête la Loi, représentée par le garde champêtre, Théodore Gautron. Les matelots s’appellent Chauvet, Julien, Gardon, Nigou, Foiry, Corron, Franchet, Lhuillery, Grassin, Pouché, Gaby, Delanoue, Julienne, Thomas, Maraby (debout avec la pagaie), Brossin, Gatineau.

Au premier plan à gauche, Charles Bertrand et à droite avec le chapeau, M Parisse, chef de la fanfare

A 2h la cavalcade s’organise. Les figurants grimés par François Brinon et les chars fleuris et décorés par Mesdames Brinon, se rendent à la mairie. Le défilé commence avec en tête la Loi, c’est-à-dire un imposant garde-champêtre, puis suivent les grenadiers de l’empire, la musique de Sainville, le char de la famille, le char de la moisson, la fanfare d’Angerville, le char des matelots : l’hirondelle, le char de Valentini chargé d’attirer l’attention sur la troupe de chanteurs qui vantent en trois couplets les beautés de Pussay, puis l’ours, la mère Gigogne, la fanfare de Saclas, le char de l’industrie, le char de l’excentricité, le char du père Berlingot, le progrès en marche : une 40 chevaux moderne style, les musiciens de Pussay et pour terminer en apothéose, le char de la Patrie, les sapeurs-pompiers fermant le cortège.

Le char de l’industrie

Le char de l’industrie, symbolisant l’activité industrielle de Pussay, puisqu’il s’agit d’une grande et élégante pantoufle aux teintes roses confectionnée en collaboration par les deux usines. Dans le chausson, de gauche à droite, Mlles Renée Gatineau, Marie-Louise Seigne, Yvonne Misermon, Renée Meilan. Le mauvais temps ne permit pas de garnir le chou d’un bébé bleu qui eût simulé la garniture des jolies pantoufles.

Le char du père Berlingot

Le char du père Berlingot avec ses cuisiniers et ses marmitons. Il tire dans sa remorque les animaux de la basse-cour : le lapin Guillaumet, le cochonnet Lepelletier, le canard Laurent, le poulet Pillet. Devant, les quêteuses, de gauche à droite : 1ère Masse, 2e Fessard, 4e Georgette Firon.

Le char de la Patrie

Le char de la Patrie, avec Raymonde Corsin personnifiant l’Alsace, Suzanne Fichet la France, Suzanne Dubois la Lorraine et de gauche à droite, les soldats : Ruols, Clotaire Delangle, Etienne Rebiffé, Henri Duport, Pierre Rebiffé.

Toutes ces activités mettent en évidence la générosité de la famille Brinon qui n’hésite pas, depuis des années déjà et pour de nombreuses autres encore, à donner de son temps et de son argent pour organiser les loisirs des gens du village : excellent moyen de formation et de moralisation. Son but est noble et elle s’en fait même un devoir : instruire par l’école, libre bien sûr, et le patronage, former les corps et les esprits par le sport, le théâtre et le cinéma, et en sélectionnant convenablement les films, amener les gens vers un idéal de beauté et de force. Idéal que la famille Brinon puise essentiellement dans la religion catholique. Si une grande partie de la population adhère à cet idéal, une partie non négligeable ne partage pas du tout ce point de vue et commence à émettre l’idée que l’argent ainsi dépensé pourrait servir à autre chose et que c’est aux ouvriers eux-mêmes d’en décider.

Les lendemains industriels de la guerre

En tant qu’industriel Henri Brinon a l’esprit lucide et moderne. Il n’hésite pas en 1922 à adapter et rénover son usine de fond en comble, ce qui représente un investissement non négligeable, mais ce qui est également indispensable. Après la guerre, les habitudes des familles et la mode changent : la disparition progressive de la bonneterie et du chausson noir, qui constituaient la base des fabrications, impose une reconversion dans le textile.

Chaussons noirs doublés de flanelle blanche et semellés, appelés « Kroumirs »

De plus, les bâtiments sont en ruine, mal conçus, disséminés dans les environs et à Pussay. Un atelier de filature est installé à Pussay dans un immeuble en location et à fin de bail. Une autre filature, implantée à Guillerval, également en location, est équipée de vieux matériel. Son éloignement et son indépendance occasionnent des frais supplémentaires en personnel de direction, en équipements de force motrice, en approvisionnements et en voitures pour effectuer la liaison avec Pussay. Les magasins de matières premières sont éparpillés aux quatre coins du pays et les machines à bout de souffle sont insuffisantes pour la tâche à accomplir.

Dès lors, une question se pose que nous livre Jacques Brinon dans le discours qu’il prononce beaucoup plus tard, en 1952, à l’occasion d’une remise de médailles du travail : « Allions-nous reconstruire, ici même, dans un pays apparemment dénué de communications faciles, de ressources interchangeables en main d’œuvre et où rien ne motivait plus, désormais, l’installation d’une industrie ?

Ou bien, devions-nous nous transporter dans un centre où toutes sortes d’avantages nous seraient dispensés en abondance.

Mais, partir, c’était laisser tomber une tradition qui se perpétuait depuis tantôt 5 générations. C’était jeter dans la misère peut-être une population ouvrière fidèle et incapable de nous suivre, et dans le désarroi, certainement, tous les ressortissants de la commune de Pussay.

Le seul intérêt de l’entreprise eut commandé le départ ; mais, pour des raisons où l’égoïsme n’avait certes rien à voir, nous avons préféré rester…

Et on s’est attelé au travail de restauration. Il a fallu dix ans pour relever les ruines, aménager des ateliers neufs, rajeunir le matériel ».

Cartes postales des ateliers après rénovation

Un atelier de métiers à tisser est créé en remplacement des métiers circulaires. Dans la partie cordonnerie, de nouvelles fabrications et de nouveaux montages apparaissent avec les charentaises et les chaussures. Le dernier bâtiment destiné aux principales matières, laine et cuir, est terminé en 1930.

Construction de la grange aux laines

Construction de la grange aux laines

Atelier en construction

Le 12 juillet 1923, Charles Henri Brinon, industriel, crée une société anonyme « Société des établissements A Brinon Fils » pour la fabrication et le commerce de la bonneterie drapée et des chaussures et la filature et le tissage de toutes matières premières, pour une durée de 99 ans à partir du 1er janvier 1923. Henri Brinon apporte l’établissement de Pussay (l’usine, 1,5 hectare de terre dans le parc, la propriété Boulanger et la propriété Chaudé, etc.) et les ateliers de Guillerval et Angerville : valeur 3.000.000 F.

Publicité articulée des établissements A. Brinon Fils, recto verso

Décrivant le patronat de l’époque, Georges Duby parle « de volonté de mise sous tutelle de la masse des salariés selon des moyens variés, allant de la répression la plus féroce au paternalisme le plus absolu ; de confusion permanente entre la charité et la justice ». S’il faut exclure tout de suite la répression féroce concernant les Brinon, le paternalisme est à prendre en considération et il explique fort bien l’organisation de l’instruction et des loisirs. La famille Brinon s’occupe de tout : du travail, des loisirs, du salut de leurs ouvriers. Elle en attend en retour de la reconnaissance et se crispe devant la contestation ouvrière ne comprenant pas leurs revendications puisque, selon elle, elle leur offre tout.

Diplôme attestant de la remise de la médaille d’honneur à Fernand Rebiffé, représentant de la maison A. Brinon Fils, le 15 septembre 1922.

Cependant, force est de constater qu’une partie des ouvriers ne veut plus qu’on pense pour elle, qu’on agisse pour elle. Ces ouvriers-là prennent conscience de leur force en tant qu’ouvriers participant au fonctionnement et au développement de l’usine et ils ne sont pas loin de penser que les moyens financiers mis en œuvre pour les former à un idéal religieux qu’ils rejettent sont mal utilisés. Si on y ajoute le climat anticlérical et le développement du mouvement ouvrier, on aboutit forcément à des conflits. Pour le moment nous n’en sommes pas là, mais le germe est planté.

La crise de 1929

Ses prémices, qui se font sentir dès 1925, n’atteignent pas immédiatement Pussay, car les usines continuent à fabriquer malgré la mévente et stockent leur surplus en attendant des jours meilleurs. C’est ainsi qu’en 1927, le conseil municipal peut répondre à une lettre du préfet en date du 23 février relative à la création d’un fonds départemental de chômage : « Le conseil a l’honneur de rappeler à M le préfet qu’un fonds communal de chômage est déjà créé depuis plusieurs années à Pussay et qu’une somme de 3000 F figure chaque année au budget. Bien qu’il n’y ait pas de chômeurs car les industriels, malgré la mévente, ont continué à faire travailler leurs ouvriers avec l’espoir de pouvoir écouler, dans l’avenir les stocks fabriqués qu’ils mettent en réserve ; [Cependant] le conseil … donne dès maintenant son adhésion au fonds départemental de chômage ».

Cette décision n’est pas inutile car les problèmes persistent et le 11 décembre 1931, la commune est amenée à créer un fonds municipal de chômage dans les termes du décret de 1926 en raison de la crise des affaires et du chômage survenu dans les usines de Pussay. Le fonds de chômage est alimenté par la somme de 3000 F prévue au budget primitif de 1931 et une somme de 2000 F à prendre sur les dépenses imprévues. L’ensemble étant insuffisant, le conseil décide de faire un emprunt de 55 000 F et de demander à bénéficier des subventions accordées par le conseil général et l’Etat. L’emprunt est autorisé et la garantie accordée le 25 janvier 1932.

En avril, un crédit de 5000 F est voté au profit du bureau de bienfaisance dont les ressources sont insuffisantes pour soulager la misère occasionnée par le chômage

Les grèves de 1936

Lorsque Laval diminue les salaires en 1935, Henri Brinon applique la diminution dans son usine, ce que les ouvriers acceptent difficilement. Les ouvriers chrétiens se tournent donc vers la CFTC. Le patron de cette dernière vient discuter avec Henri Brinon, très forte personnalité qui entend rester maître chez lui. Les ouvriers se tournent alors vers la CGT.

L’année 1936 voit la victoire du Front Populaire à la suite de laquelle un immense mouvement de grèves déferle sur le pays. Ces grèves sur le tas sont d’un genre nouveau et le patronat, plus ou moins autoritaire et paternaliste tour à tour, assiste terrifié à la libération des ouvriers. L’accord Matignon qui s’ensuit reconnaît l’exercice du droit syndical, prévoit l’établissement de contrats collectifs du travail et l’élection de délégués ouvriers, recommande un relèvement des salaires de 7 à 15 %, sans que la hausse totale par entreprise ne puisse dépasser 12 %.

Photos de la grève de 1936 à son 32ème jour

Le défilé parcourt la rue du Midi (actuelle rue Charles Michels) où sont situés les établissements Brinon, la place du Carouge et la rue de la Mairie

Grève 1936

Sur les pancartes, il est inscrit « pour nos salaires nous tiendrons jusqu’au bout » ; « du travail du pain pour les vieux » ; « pour que nos enfants ne connaissent plus la misère » ; « le droit contre les privilèges » ; « tous pour l’enfance et la jeunesse » ; « le travail contre le profit » ; « pour nos 5 F »


Elle voit également la naissance à Pussay du syndicat des ouvriers et ouvrières en chaussures de Pussay que dirige André Brossin alors magasinier aux établissements A. Brinon Fils. Ces derniers ne signant pas les accords Matignon, la grève est décrétée et une roulante est installée dans la cour de l’usine. Une mécanicienne gagne alors 1,40 F de l’heure et les hommes qui travaillent à la forge gagnent 2,80 F. Le syndicat réclame 3,00 F pour les femmes et 5,00 F pour les hommes.

Photos de la grève à l’intérieur de l’usine

Grève devant la filature

La roulante installée dans la cour de l’usine

Corvée de pluches du 1er au 7 septembre

Grève à son 18ème jour

Grève à son 33ème jour

Sur la promesse de signature des accords Matignon par le patron, les grévistes évacuent l’usine et se regroupent dans la cour de l’école Paul Bert. Ces grévistes diminuent peu à peu et il ne reste plus qu’un piquet de grève lorsque le patron est séquestré dans ses bureaux. Le sous-préfet est délégué sur place avec les gardes mobiles. Les accords sont finalement signés et la reprise du travail s’effectue. On est début septembre et la grève a duré 72 jours.

A quelques jours de la fin de la grève, le 27 août 1936, Gustave Brinon écrit au préfet « J’ai l’honneur de vous renouveler ma démission comme maire de la commune de Pussay, que, précédemment, vous n’aviez pas acceptée.

A cette démission j’ajoute aujourd’hui celle de conseiller municipal. Une réunion du conseil municipal avait lieu hier soir à la Mairie. Il avait été décidé que 2 ou 3 délégués des grévistes assisteraient à cette réunion.

A mon arrivée à la mairie j’ai constaté que la salle était envahie par tous les délégués auxquels s’étaient joints des non délégués (ce fait s’était déjà présenté précédemment).

J’ai été insulté en public devant les membres du conseil municipal. Toute autorité étant méconnue, je ne puis supporter qu’un vieillard, dans sa 78e année, ayant servi, comme Maire, sa commune pendant 25 ans, subisse un tel affront. Très calme, je me suis retiré et prenant mon chapeau j’ai prononcé les paroles suivantes :

« Je ne suis pas venu ici pour être insulté ; je me retire. Vous ne me verrez plus jamais à la Mairie » . Les paroles décisives que j’ai prononcées en public sont irrévocables et dès aujourd’hui je me considère libre de tout engagement et dégagé de toute responsabilité.

J’abandonne définitivement la Mairie laissant aux grévistes la responsabilité de conduire la commune à la ruine et à la misère (ce que j’avais prévu au début de la grève en vous donnant une première fois ma démission)… ».

Dans une autre lettre adressée au sénateur, Gustave Brinon écrit « … Avant de répondre à votre lettre j’attendais une manifestation des ouvriers CGT qui était projetée et qui n’est peut-être que différée. Ces Messieurs les délégués d’usine et du syndicat cégétiste se croient les maîtres de la situation. Ils sont devenus d’une arrogance qu’on ne peut plus supporter… Ici le chômage s’accentue… Après l’engagement que j’ai pris de ne plus mettre les pieds à la mairie, comment voulez-vous que j’y retourne. J’ai tout abandonné ; à quoi bon retourner dans la fournaise ». Il veut bien reprendre son poste de conseiller municipal, afin d’élire un maire. Des élections ne troubleraient pas plus la commune « la division y règne à son paroxysme ».

Désaccord sur les horaires de travail et les indemnités de vie chère

Un an après, le 1er mai 1937, les établissements A. Brinon Fils licencient 34 ouvriers de l’atelier de filature pour avoir « abandonné votre travail dans notre établissement sans autorisation préalable et sans aucun préavis ». Le 4 mai, le syndicat des ouvriers et ouvrières en chaussures de Pussay saisit le président de la Commission Départementale de Conciliation des Conflits du Travail, d’un nouveau conflit à Pussay qui « a pris la forme d’un lock-out à la suite d’un refus momentané des ouvriers de faire des heures supplémentaires ».

Que s’est-il donc passé ? Rappelons tout d’abord que la semaine de 40 heures fut appliquée d’abord dans les industries textiles par décret du 17 novembre 1936, qui prévoyait une heure de dérogation pour le nettoyage des machines, puis, par décret du 2 mars 1937, dans les industries des cuirs et peaux, auxquelles la direction des usines A. Brinon Fils avait demandé son rattachement.

Ensuite, au vu des rapports du sous-préfet de Rambouillet au préfet, et du commissariat spécial de Versailles, il ressort que les établissements A. Brinon Fils ne recevaient depuis quelque temps que des commandes de pantoufles exécutées dans la partie cordonnerie de l’usine, mais dont la matière première dépendait de la filature. Pour éviter d’acheter de la laine à l’extérieur, le directeur de l’usine avait demandé aux 34 ouvriers employés à la filature d’effectuer 40 heures de travail effectif, plus une heure de dérogation prévue pour le nettoyage et l’entretien des machines, conformément d’ailleurs aux dispositions de l’article 5 du décret d’application de la loi du 24 juin 1936 sur la semaine de 40 heures. Il avait affiché ce nouvel horaire à l’atelier de filature dès le 15 mars, sans en demander l’application immédiate. Les ouvriers de la filature avaient refusé d’effectuer cette heure de dérogation, déclarant qu’ils étaient rattachés à l’industrie des cuirs et peaux, non à l’industrie textile, et le 30 avril, ils avaient arrêté le travail à 17h15 sur l’ordre de leur délégué et quitté l’atelier à 18h, après avoir nettoyé les machines comme d’habitude et sans tenir compte de la demande patronale.

A la suite de cet arrêt de travail, la direction envoie donc cette lettre de licenciement aux 34 ouvriers de l’atelier de filature, ainsi qu’aux 8 délégués d’usine, dont 7 appartiennent à la cordonnerie, les rendant responsables de cet incident. Hormis ces 8 délégués, tous les autres ouvriers licenciés sont avisés qu’ils pourront être réembauchés le 10 mai. Du fait de la fermeture de l’atelier de filature, les ouvriers de la cordonnerie sont au chômage et tous les rapports insistent sur l’urgence à régler le conflit avant le 10 mai. Le sous-préfet termine en disant « les ouvriers ne paraissent pas disposés à rentrer sans leurs camarades licenciés. C’est pourquoi j’ai demandé à ce que les deux parties soient convoquées à la prochaine réunion de la Commission de Conciliation vendredi prochain ».

La réunion a effectivement lieu le 7 mai et la commission « demande par mesure d’ordre que la reprise du travail ait lieu lundi pour l’ensemble du personnel, y compris les huit délégués licenciés et prend acte de la déclaration de la délégation ouvrière demandant l’application de la procédure d’arbitrage, s’engageant à exécuter l’heure de travail demandée par la direction jusqu’à décison des arbitres, étant entendu qu’il sera procédé suivant la décision de ces derniers en ce qui concerne le renvoui des huit délégués ».

Peu après dans la journée, les établissements A. Brinon Fils acceptent la reprise du travail pour tout le personnel, sauf pour les huit délégués. La note précise « la procédure va suivre son cours, mais pour éviter des incidents, il semble qu’il devrait être conseillé aux ouvriers de reprendre le travail aux conditions patronales ». En transmettant le dossier au ministre du Travail, le préfet écrit « en raison de l’effervescence que ce conflit provoque parmi la population de la commune, je vous signale l’intérêt qu’il y aurait à activer la procédure dans toute la mesure du possible ».

Le 10 au matin, à l’heure de la reprise prévue du travail, une manifestation massive a lieu devant les portes de l’usine qui conduit la direction à les conserver fermées. Elle affiche alors deux avis au personnel et à la population ouvrière sur les murs de la commune. Dans le premier, elle rappelle qu’aucun accord n’a pu se faire avec la C.G.T. sur la base d’une reprise de tout le personnel, sous réserve que le cas des délégués soit examiné ultérieurement avec toute la bienveillance possible, et que la mise à pied n’excède pas 6 semaines. Elle réaffirme son besoin d’ouvriers pour l’atelier de filature et répète que l’embauche se fait au bureau, aux heures d’ouverture habituelles, ou même par simple lettre si les intéressés le désirent. Elle prévient également que si le personnel suffisant ne se présente pas, elle fera appel à la main d’œuvre du dehors ou à une fabrication étrangère, que si le travail était empêché par menaces ou violences, l’usine serait fermée sine die et qu’elle ne se prêtera à aucune sentence arbitrale, car la grève ayant éclaté avant la mise en jeu des organes prévus par la loi du 31 décembre 1936, cette sentence serait illégale.

Dans le second avis, la direction fait savoir :

« 1 – que la réouverture était décidée pour lundi dernier mais qu’un procès-verbal malencontreux et d’ailleurs illégal de la commission départementale exploitée par les meneurs a provoqué une menace d’invasion de l’usine qui lui a fait renoncer à son projet pour éviter tout désordre.

2 – que la réouverture, actuellement, ne dépend que de la conscience des meneurs qui prétendent sacrifier à leur amour-propre le pain quotidien de 300 familles.

La direction proclame encore une fois qu’elle est à la disposition des ouvriers qui veulent bien reprendre de l’embauche à l’atelier de filature.

Cet atelier peut tourner immédiatement ; après quoi le tissage reprendra sa marche normale et toute l’usine à la suite dans la mesure où les commandes enregistrées le permettent en ce moment.

Nous faisons tous nos efforts pour abréger les souffrances des ouvriers et de leur famille entraînés aveuglément dans une voie entièrement illégale.

Les établissements A. Brinon Fils ».

Le 12 mai, le commissariat spécial de Versailles note :

« En attendant la sentence de l’arbitrage qu’ils ont demandé, les ouvriers des établissements A. Brinon Fils, continuent à se rendre deux fois par jour devant la porte de l’usine afin d’obliger leurs camarades du syndicat chrétien (au nombre de 60 environ) à faire cause commune avec eux et de les empêcher, le cas échéant, de se faire embaucher à nouveau. M Jacques Brinon ou son représentant, se tient en permanence au bureau pour recevoir les ouvriers (délégués exceptés) qui désireraient reprendre le travail.

Afin d’éviter des incidents tels que ceux qui se sont produits l’an passé, il serait souhaitable que l’arbitrage intervint dans le plus bref délai possible. La fin de ce conflit est aussi impatiemment attendu par les commerçants de la commune qui voient leurs recettes baisser de jour en jour ».

Ce même commissariat rend compte le 15 mai qu’une réunion organisée par les ouvriers licenciés de l’usine A. Brinon Fils a eu lieu la veille à la salle des fêtes. Les différents orateurs, M Santuc, délégué régional des cuirs et peaux, M Lefranc, conseiller municipal communiste de Saclas, M Michel, député communiste de Paris ont tour à tour justifié l’attitude des délégués ouvriers au début du conflit, critiqué les procédés de la famille Brinon, enrichie aux dépens des ouvriers ajoutant qu’il faudrait nationaliser l’usine et que dès le lendemain les ouvriers la remettraient en marche pour le compte de l’armée, enfin indiqué qu’en obligeant les ouvriers à faire une heure de travail supplémentaire, M Brinon cherchait en réalité à entrer en conflit avec les délégués pour pouvoir se débarrasser d’eux et détruire le syndicat de la C.G.T.

Les établissements A. Brinon Fils décident alors de rouvrir quelques-uns de leurs ateliers le mardi 1er juin à 7h30. Ils demandent à un huissier d’en aviser le sous-préfet, lequel rétorque que seule la préfecture a qualité pour prendre des décisions tendant à assurer l’ordre public. La direction s’adresse donc à la préfecture en l’invitant à prendre toutes mesures de police suffisantes pour assurer la liberté du travail et la liberté de circulation, faisant toutes réserves de responsabilité de la commune et de l’Etat en cas d’insuffisance de forces de police requises.

Le 31 mai à 17h30, Jacques Brinon reçoit un appel téléphonique du secrétaire général de la préfecture de Seine-et-Oise lui signifiant le refus d’envoyer un service d’ordre pour la reprise envisagée, arguant qu’il convient d’attendre la sentence de la commission arbitrale. Les établissements A. Brinon Fils protestent contre ce refus, déclarent qu’ils maintiennent leur décision d’ouvrir le 1er juin et requièrent le maire et la gendarmerie de faire assurer l’ordre pour la rentrée partielle des ouvriers.

Le 1er juin à 9h15, un rapport de police consigne « une quarantaine d’ouvriers non syndiqués s’est présentée ce matin mais ils en ont été empêchés par les grévistes qui stationnaient devant la porte. Aucun ouvrier n’a pu pénétrer dans l’usine ».

C’est dans ce climat agité qu’un malheureux accident va survenir le 2 juin. La direction des établissements A. Brinon Fils ayant appris que le syndicat chrétien et la C.G.T. semblaient s’acheminer vers un accord, décide de convoquer les délégués des deux organisations pour engager des pourparlers. Les responsables syndicaux réunissent alors les ouvriers et ouvrières afin de les mettre au courant des négociations. A la sortie de cette réunion, place de l’orme, « les ouvriers se sont trouvés en présence de trois individus en automobile qui collaient des affiches du P.P.F. sur les murs de la localité. Les ouvriers avaient hué les colleurs d’affiches et une altercation s’en serait suivie au cours de laquelle les trois individus auraient reproché aux ouvriers que s’ils étaient en grève c’était la faute du P.C. En partant les automobilistes auraient tiré un coup de revolver et une ouvrière Mme R. Louise a été blessée assez grièvement d’une balle au ventre. La victime a été transportée à l’hôpital d’Etampes. Le n° de l’auto a été relevé… ». Cette note est adressée par le commissariat spécial de Versailles au préfet le 3 juin. Ajoutons que la relation des faits diverge bien sûr et que pour les responsables syndicaux ce sont les colleurs d’affiches qui ont provoqué les ouvriers. L’enquête diligentée prouvera qu’il s’agissait de colleurs d’affiche appartenant au P.P.F, Parti Populaire Français.

Carte éditée par le comité de soutien de Pussay pour venir en aide à Mme. Renault

L’accident a probablement l’effet d’une douche froide et l’activité reprend peu à peu aux usines A. Brinon Fils qui fonctionnent au complet dès le 9 juin.

Un mois plus tard, le 15 juillet 1937, Henri Brinon décède. Il possédait une forte personnalité capable de contenir celle de ses deux directeurs, M. Lorillard, directeur de la cordonnerie, et Louis Firon, directeur du textile, maîtres à bord chacun dans leur domaine et dont les fils attendent le départ pour leur succéder comme c’est la tradition à l’époque que l’on soit fils de patron ou fils d’ouvrier. Cela s’applique bien sûr à Jacques Brinon qui succède à son père. Il a 49 ans et possède un naturel plutôt artiste et littéraire. Si Henri Brinon avait probablement manqué de souplesse dans ses discussions avec les syndicats et les autorités et s’il entendait rester maître chez lui, Jacques Brinon va manquer de l’indispensable autorité nécessaire pour diriger 500 ouvriers parmi lesquels se trouvent des meneurs syndicaux. De l’avis d’un très grand nombre, il est trop « gentil » et ne sait pas dire non. Son naturel va le trahir dans les temps troublés qui s’annoncent.

Pendant tout le premier semestre 1938, un nouveau débat s’ouvre relatif à l’indemnité mobile de vie chère. Une convention prévoyait la révision de cette indemnité suivant les indices officiels du coût de la vie. Le syndicat demande l’application de cette convention et le rajustement de l’indemnité. Le patronat fait valoir qu’il ne peut augmenter les salaires en raison de la concurrence des produits fabriqués dans d’autres régions ou à l’étranger. C’est encore plus vrai l’année suivante. L’industrie de la chaussure traverse une crise importante et le chiffre d’affaire diminue. La guerre va interrompre les conflits et masquer les difficultés pour un temps. Mais une fois terminée, la situation s’est considérablement transformée. La mairie est passée aux mains des communistes et le maire n’est autre que le président du syndicat.

La réorganisation d’après guerre

Jacques Brinon continue à financer en 1948 d’importants travaux de transformation dans la salle du cinéma ainsi que de nombreuses œuvres sociales : école libre, patronage, association. Les générations s’étaient succédées depuis son grand-père Adolphe Brinon et les idéaux étaient restés les mêmes.

Par ailleurs, il a également conscience que l’usine a besoin d’une réorganisation complète, même si dans un premier temps, la pénurie d’après-guerre facilite les affaires. A la sortie de la guerre, il y avait eu la création des Comités d’Entreprise, lesquels étaient mal perçus, par manque de communication, par la plupart des cadres qui les redoutaient. De plus, si l’entreprise n’avait pas trop peinée pendant la guerre, elle n’avait pas non plus fait des affaires mirobolantes et elle était maintenant confrontée à la réalité.

Carte postale montrant une vue aérienne de l’usine, non datée mais probablement après-guerre

Pendant toute la durée de la guerre, le matériel n’avait pas non plus été changé et aujourd’hui il était usé. De plus, le personnel était devenu trop nombreux. Les enfants des employés étaient systématiquement embauchés même si l’usine n’avait pas vraiment besoin de personnel, mais Jacques Brinon ne savait pas dire non. Il ne se résolvait pas à mettre à la porte et à priver de ressources l’un de ses employés, c’était contraire à son éducation religieuse et à sa foi chrétienne.

Tous ces éléments le conduisent à vouloir réorganiser son usine. C’est d’ailleurs indispensable car dès le printemps 1948, des difficultés se laissent entrevoir. Après avis de son conseil d’administration, il fait appel à une société extérieure, la société Bedeaux. En même temps, il prend un expert-comptable pour le seconder au niveau comptabilité, lequel se heurte rapidement à la forte personnalité des deux directeurs de l’usine. Afin de permettre cette réorganisation, il décide de fermer les ateliers de cordonnerie au 1er janvier 1949 et de reprendre les fabrications par étape, au fur et à mesure de leur réorganisation. Le 31 décembre 1948, la direction licencie donc 221 ouvriers, ce à quoi le syndicat s’oppose catégoriquement : « tout le monde rentrera en même temps ou personne ne rentrera ». Cette fermeture est en effet perçue comme un lock-out et une menace pour leur emploi par les ouvriers et certains dirigeants.

L’analyse de Claude Brinon, fils de Jacques, sur cette époque

Dès 1948, le conseil d’administration, avec la collaboration des directeurs du textile et de la cordonnerie, élabore un plan de modernisation et d’investissement sur 7 ans, chiffré à 150 millions de francs d’alors, comportant notamment le remplacement progressif de certains matériels vieillissants ou mal adaptés aux demandes et productions nouvelles.

Le financement de ces projets ne pouvait être envisagé que par autofinancement, ainsi qu’il avait toujours été fait par le passé. Le PDG étant majoritairement actionnaire à 98 %, il lui était impossible d’injecter une telle somme d’argent frais. Ce plan était ambitieux, car les bénéfices des industries concernées ne dépassent jamais 2 à 3 % du chiffre d’affaires et à condition qu’aucun dérapage ne survienne en cours d’exercice.

Il était donc indispensable de réaliser des économies dans tous les services, y compris en personnel quelquefois pléthorique dans certains ateliers. Pour commencer, il fallut restaurer le service commercial, les représentants exclusifs ayant entre 73 et 78 ans et se trouvant sans moyen de locomotion. Trouver des remplaçants valables, certains seront exclusifs, d’autres multi cartes. Reprendre la route au plus vite avec des nouvelles collections mises au point par des modélistes extérieurs afin d’apporter un sang nouveau avec de nouvelles formes. Cette tâche a été facile à résoudre. Dès la collection d’été 1949, nous étions opérationnels, sans incidence sur les effectifs.

Il va en être tout autrement pour mettre de l’ordre dans les ateliers, avec du personnel mal employé et en surnombre, le comité d’entreprise et les délégués d’ateliers s’opposant à cette tâche. Un local est mis à leur disposition comme la loi l’oblige. Il est occupé 4 ou 5 heures par jour par les 30 personnes instituées. Les chaînes de fabrication sont désorganisées.

Quelques exemples parmi d’autres : 1) Début 1949 nous achetons à grands frais une coconeuse en Allemagne, nouveau matériel sophistiqué, rapide et fiable, remplaçant les navettes des métiers à tisser en triplant leur contenance en fil. L’allégement du travail d’une ouvrière tisseuse se divisait par deux, voire par trois. L’atelier comportait 48 métiers, une personne pouvait dorénavant conduire 2 métiers et l’économie calculée pouvait être de 20 tisseuses. Cette pratique était usitée dans l’industrie textile comparable. Rien n’a pu être entrepris !

2) L’atelier d’entretien et de réparations comptant 12 personnes, conservé à grands frais, ne remplissait plus son rôle. L’outil de travail ayant beaucoup évolué, dans la plupart des cas, les pièces de rechange ou les réparations étaient exécutées par les constructeurs eux-mêmes, les contrats le stipulaient. Les techniciens se déplaçaient rapidement afin de ne pas perturber les productions. Pour les entretiens courants des contacts positifs avaient été pris avec deux artisans mécaniciens du village. Cela supposait le licenciement de ce personnel. La direction s’est trouvée devant la double opposition des cadres du textile et du comité d’entreprise.

3) Il fallait supprimer la menuiserie, pour la fabrication des caisses de livraisons. Ces caisses ont été remplacées par des boîtes cartonnées appropriées. Deux personnes ont été déplacées mais non supprimées.

4) Dans les ateliers du textile et de la cordonnerie des sureffectifs connus de tous étaient au nombre de 15/20 salariés.

Au total il y avait 50 personnes en surnombre soit près de 11 % de l’effectif qui comportait 478 emplois en 1950, toutes personnes confondues.

Il faut préciser que le personnel sur machines était de 380 ouvriers. A ce chiffre, il fallait ajouter tous les personnels administratifs : direction générale, cadres, maîtrise, contremaîtres, secrétaires, service de paye, entretien divers, mécaniciens, chauffeurs, etc. Les fonctions de chef de personnel étaient réparties entre les directeurs des ateliers textile et cordonnerie ; pour le personnel administratif, cela dépendait de l’expert comptable avec, dans tous les cas l’accord de la direction générale.

En résumé, tant que les réformes touchent les réorganisations administratives en général, tout se passe bien, mais dès qu’il faut changer les habitudes installées depuis des lustres, reconsidérer les travaux à tâche devenus dépassés et aberrants pour certains postes, recourir à une compression de personnel, alors c’est le blocage immédiat avec menace de grève larvée ou non.

La grève du 20 décembre 48 au 10 avril 49 dans la partie cordonnerie est significative : il est décidé qu’il fallait remettre à plat les rémunérations aux rendements pour certains postes de travail et réorganiser en même temps les chaînes de fabrications, nécessitées par de nouvelles fabrications. Pour ce faire, la direction avait demandé la collaboration de l’organisation du travail « système Bedaux ». Deux ingénieurs, payés chèrement à 1000 F de l’heure entreprennent leur travail début décembre. Aussitôt le comité d’entreprise intervient en s’opposant au travail des ingénieurs. Leur mission est interrompue le 18 du même mois et ne pourra reprendre. L’échec est total. Les négociations sont bloquées, la situation s’embourbe. C’est la grève décrétée par les délégués d’atelier et une poignée d’ouvriers qui empêchent la grande majorité des travailleurs de reprendre leur poste. L’illégalité est à son comble. Les ateliers sont occupés par les meneurs. Nous sommes obligés de procéder aux licenciements de toute la cordonnerie soit 221 personnes. Nous devons avertir les clients que la livraison de leurs ordres aura du retard. Les annulations arrivent. Ces 100 jours d’inactivité produisent leurs effets dévastateurs sur la trésorerie, sur la notoriété de l’entreprise vis-à-vis de la clientèle, sur l’autorité du personnel de direction à tous les échelons.

Les pouvoirs publics alertés, le sous préfet de Rambouillet prend la décision de faire évacuer les ateliers. Un matin à 6 heures, 50 gardes mobiles et le sous-préfet en personne libèrent les ateliers occupés et rassemblent les quelques 30 occupants dans une cour de l’usine. Le sous-préfet, devant le maire convoqué, leur fait savoir que si la grève est légale, il est patent que l’occupation des ateliers et l’entrave à la liberté du travail sont illégales. Devant ces agissements, il leur demande de rentrer chez eux et de reprendre le travail dès que la direction procédera aux embauches. C’est la fin du conflit, mais dans quelles conditions ?

Devant ces échecs répétés, dès le mois de mars 1949, le PDG, avec l’avis de sa proche famille, envisage la cession d’une partie de l’actif ou de la totalité de l’entreprise. Deux organismes spécialisés sont chargés d’entreprendre des recherches. Nous rentrons en contact dès avril et les mois suivants avec une quarantaine d’éventuels repreneurs, représentés soit par des entreprises de la profession, soit par des groupes d’investisseurs. Un grand nombre de ces sociétés n’ont pas donné suite. Deux importantes affaires ont poursuivi des contacts approfondis et sérieux sur la quasi-totalité des problèmes des établissements ABF. Nous avions alors le plus grand espoir d’aboutir. Mais les mouvements sociaux spécifiques à l’entreprise, le contexte dans lesquels nous vivions au quotidien, les événements anciens et récents, l’implantation politico-syndicale ont fait capoter les projets.

La relation du Journal Officiel

Dans le même temps, le ministre du travail et de la sécurité sociale reçoit une délégation de parlementaires de Seine-et-Oise, venue protester contre l’attitude du patronat. Le Journal Officiel relate les échanges qui ont lieu à l’assemblée nationale lors de la séance du 22 mars 1949 :

« M Maurice Béné [député de Seine-et-Oise]. Voilà près de trois mois que, dans cette petite ville de mon département [Pussay], la faim s’est installée, que règne une misère épouvantable et que la colère gronde.

« Je vous demande, Monsieur le ministre, de bien vouloir vous pencher sur cette question et d’étudier les mesures que l’on pourrait prendre.

« Il est inadmissible que, sous le prétexte trop simple que l’on possède, on puisse, à certaines heures, affamer des gens. Et il est, d’autre part, fort regrettable, Monsieur le ministre, que vous ne soyez pas suffisamment armé pour réquisitionner des usines, le cas échéant.

« Je voudrais qu’à la suite de l’interpellation que j’ai déposée et dont la discussion, je l’espère, sera inscrite sans trop tarder à l’ordre du jour, le Gouvernement et le Ministre du travail puissent s’associer à nous pour envisager les réquisitions qui s’imposent ».

« M le ministre du travail et de la sécurité sociale [Daniel Mayer]. La commune de Pussay comprend moins de 2 000 habitants. Au centre est l’usine, qui occupe la presque totalité des habitants en état de travailler. Le village est à 22 kilomètres d’Etampes. Il n’y a à peu près aucun moyen de transport pour aller travailler ailleurs.

« Au centre du village, avec une allure féodale comme naguère le château-fort, sont la maison de l’industriel et ses deux entreprises : une usine de chaussures et une usine de tissage pour chaussures qui groupent, je le répète, la presque totalité de la population active.

« Les choses vont de père en fils, à la fois parmi les salariés et parmi le patronat. De ce dernier, on peut dire qu’il s’agit – j’ai l’habitude de modérer mon langage – d’un véritable patronat de combat. En 1936, dans cette usine, il a fallu soixante-douze jours de grève pour que l’on comprenne qu’il fallait, là comme ailleurs, appliquer les lois sociales du Gouvernement de front populaire.

« J’ai fait appeler le directeur de l’entreprise qui a pratiquement « lock-outé » la totalité des ouvriers, pour des raisons qui, je n’hésite pas à le dire, relèvent beaucoup plus de la politique que de la réorganisation intérieure. Le secrétaire du comité d’entreprise, sympathisant, sinon membre effectif du parti communiste, a été élu maire et mis à la porte par ce patron qui a pris pour prétexte la nécessité de la réorganisation de son usine et de l’étude des particularités du système Bedeaux.

« Je dois reconnaître qu’il était normal qu’on procédât à la réorganisation de l’usine, la production d’une partie des ateliers étant nettement déficitaire.

« A la suite de la visite que j’ai reçue [la délégation des parlementaires de Seine-et-Oise], j’ai convoqué le patron en cause. Il est venu me voir, assisté de représentants de syndicats patronaux.

« J’ai obtenu de ce patron qu’il prenne l’engagement écrit – il ne l’a pas fait sans une pression de ma part – d’établir la liste de rentrée des ouvriers en tenant compte exclusivement de trois critères : valeur professionnelle, ancienneté dans la maison et charges de famille.

« Mme Eugénie Duvernois [député de Seine-et-Oise]. « Vous savez bien que les patrons ne respectent aucun engagement. »

« M le ministre du travail et de la sécurité sociale. Le comité de grève des lock-outés a refusé cette proposition et a demandé que tous les ouvriers reprennent le travail ou qu’en tout cas il soit permis à tous les ouvriers de rentrer par l’établissement d’un roulement à l’intérieur des ateliers.

« Dans l’état de la législation, il est impossible au ministre du travail de faire plus que ce qu’il a obtenu du patron. L’inspecteur du travail, fonctionnaire de grande classe et de grand mérite, est presque quotidiennement sur les lieux et recherche s’il n’y a pas contradiction entre les propos du patron et la nécessaire rentrée des ouvriers, même en tenant compte de la réorganisation des ateliers suivant le système Bedeaux.

« L’attitude du patron est certainement à blâmer sur le plan moral, mais nous sommes désarmés s’il s’agit de faire davantage ».

Les événements vus à travers la presse de l’époque

Après l’annonce du licenciement des 221 ouvriers le 31 décembre 1948, patrons et syndicats s’expriment, entre autres, par journaux interposés. La Marseillaise de Seine-et-Oise publie une interview de Serge Lefranc sur la fermeture de l’usine où il revient sur les grèves de 1936 et parle des « centaines de millions d’affaires réalisées en 1948 », ce qui est quelque peu exagéré lui répond le Journal de Seine-et-Oise qui met plutôt en avant « tous les sacrifices que s’impose M Brinon pour maintenir en activité son importante affaire industrielle ». Le journal insiste aussi sur le fait que « L’usine de chaussures A. Brinon Fils subit, comme toutes les industries françaises, les inconvénients de la crise économique actuelle et notamment de la hausse des prix : par exemple, le pied carré de peausserie, qui coûtait, au début de 1948, 80 francs, coûte maintenant 400 francs. Et le tout à l’avenant. De ce fait, une vingtaine d’usines de chaussures se trouvent en difficulté dans la seule région parisienne contrôlée par la direction départementale du travail de Versailles ».

L’affaire est évoquée par la revue « Le travailleur du cuir et de la peau » dans son édition de janvier-février 1949 qui écrit « Pussay lutte vigoureusement contre les licenciements. Le féodal Brinon, qui n’a pas encore admis sa défaite de 1937, vient, comme à cette époque, de se livrer à une brutale attaque contre l’organisation syndicale.

La riposte fut immédiate et admirable.

Les 221 ouvriers et ouvrières lock-outés ont immédiatement occupé l’usine.

Dans leur troisième semaine de lutte, leur bloc n’est pas entamé » et l’article est accompagné d’un cliché du secrétaire de la fédération parlant aux ouvriers et ouvrières en lutte.

Pendant ce temps, le nombre de chômeurs s’élève à 265, selon le registre des délibérations du conseil municipal, soit 485 personnes à secourir avec pour point de départ le 31 décembre 1948. La commune sollicite donc auprès du ministre du travail et du préfet l’exonération totale de la part des allocations de chômage qu’elle aurait à prendre en charge, à savoir 20 % du total, en raison des faibles ressources dont elle dispose et des charges qu’elle supporte déjà. Par ailleurs, le conseil général a voté une subvention de 100 000 F en faveur des chômeurs de la commune et le conseil municipal vote à son tour une subvention de 200 000 F au bureau de bienfaisance de Pussay pour venir en aide aux chômeurs les plus nécessiteux.

Au milieu de ces événements, la pompe du puits est une nouvelle fois accidentée : l’arbre est cassé pour la 3e fois depuis moins d’un an. Des renseignements pris tant auprès des services du Génie rural qu’auprès des divers monteurs et mécaniciens, il s’avère que la pompe est défectueuse. C’est à nouveau les établissements A. Brinon. Fils qui alimente en eau la population en attendant cette fois qu’une nouvelle pompe soit achetée et installée, ce qui demandera trois mois. Les agriculteurs font également des tournées avec des tonnes d’une contenance de 800 litres. Ils vont chercher l’eau à Monnerville pour la porter aux habitants ou faire boire les moutons.

La grève dure toujours et si l’on en croit le Journal de Seine-et-Oise du 11 mars, « elle serait finie il y a longtemps s’il n’y avait un Lefranc et un Brossin pour envenimer les choses. Au lieu d’inciter leurs adhérents au calme, ils les font s’obstiner dans la grève. Et pourtant, de nombreux ouvriers en ont assez : ils ne demandent qu’à reprendre le travail dans le calme et la liberté ».

La semaine suivante, le journal titre « Le travail va reprendre chez Brinon », tandis que la direction des établissements A. Brinon Fils placarde cet avis :

« A l’intention des ouvriers et ouvrières des établissements A. Brinon, fils

Dans le but de mettre fin dans le plus bref délai à une situation pénible qui ne se prolonge que par l’opposition systématique d’une minorité agissante, la direction des établissements A. Brinon Fils, appuyée par la volonté exprimée au secret par la majorité du personnel a décidé de convoquer une première tranche très importante des ouvriers et ouvrières de l’usine, la semaine prochaine.

Le moment est venu de ne plus s’arrêter à des considérations secondaires mais de ne voir que les buts qui sont : la reprise du travail, le paiement des salaires et la fin de la misère.

Les questions de prestige personnel passent ensuite.

Nous vous donnons donc rendez-vous à lundi, pour la remise en marche de nos ateliers de cordonnerie.

Quant à ceux que les difficultés économiques actuelles nous interdisent d’embaucher dès maintenant, nous prenons l’engagement de les rappeler aussitôt que les commandes reçues le permettront.

La direction des établissements A. Brinon Fils ».

Le même jour, la direction des Etablissements A. Brinon Fils se voit obligée de préciser à ses ouvriers : « C’est à peine s’il est besoin de démentir l’avis selon lequel chacun doit se trouver au travail vendredi prochain.

« La direction des Ets A. Brinon Fils n’a donné pouvoir à personne, même pas au secrétaire du syndicat des ouvriers en chaussures de Pussay, pour agir et donner des ordres à sa place.

« Jusqu’à présent, la société a son siège 27 rue Charles Michels et non pas dans les locaux de la mairie ou de son annexe.

« Le travail reprendra bientôt, au jour et à l’heure que nous aurons nous-mêmes fixés, soit par voie d’affiche, soit par convocation individuelle.

« Nous remercions tous ceux qui nous ont adressé des témoignages de confiance ; ils ne seront pas oubliés ».

Le 25 mars, le Journal de Seine-et-Oise titre « Un véritable soviet tyrannise Pussay ». « Il y aura bientôt cent jours que la grève paralyse les usines de chaussure A. Brinon Fils à Pussay, cent jours que la population ouvrière est réduite à la misère du fait d’un quarteron d’agitateurs. La semaine dernière, par humanité, M Jacques Brinon avait décidé la réouverture de certains ateliers. Mais quand les ouvriers arrivèrent, les hommes de choc du Parti Communiste et de la CGT les empêchèrent d’approcher des machines. Sous la direction du maire Brossin un véritable soviet règne par la terreur sur Pussay. Des grenades ont été lancées. Les nombreux ouvriers qui désirent reprendre le travail sont malmenés. Les femmes sont couvertes d’injures ordurières. On a exigé que les travailleurs remettent aux délégués syndicaux les lettres d’embauche envoyées par la direction.

Tout est mis en œuvre pour terroriser les éléments sains qui forment la majorité de la population ouvrière et pour les empêcher de reprendre le travail comme ils le désirent et comme ils le témoignent dans les lettres émouvantes envoyées à M Brinon.

Devant cette situation, les pouvoirs publics se révèlent incapables. Ils n’ont même pas su assurer la protection des ouvriers qui la semaine dernière ont voulu retourner à leur poste.

Qui donc commande ? Le soviet local de Pussay ou les autorités de la République Française ? »

La semaine suivante, le journal insère dans ses colonnes « Le point de vue de M Brossin ». Ce dernier rappelle tout d’abord qu’il y a lock-out et non grève, que les ouvriers ont été licenciés sans préavis le 31 décembre 1948, que les licenciements ont été refusés par l’inspecteur du travail et que ce refus a été confirmé par une commission. Il revient ensuite sur l’intervention du ministre du travail devant l’assemblée pour conclure que « ces déclarations qui sont extraites du journal officiel condamnent les mensonges qui voudraient faire croire que ce sont les responsables syndicaux qui font régner la misère à Pussay. La preuve est nette et sans bavure : il y a « lock out » et non grève ; il y a conflit politique et non conflit professionnel ». Enfin, il affirme qu’« il y a bien eu deux grenades dans la cour de M Déchot, mais déposées par qui ? On ne souhaite peut-être pas tellement de retrouver les auteurs. Pour les lettres de convocation qui auraient été ramassées à domicile, il suffit de se renseigner auprès de MM les inspecteurs du service des renseignements généraux, qui ont vu de leurs propres yeux, dès le samedi matin, des ouvriers les apporter spontanément à leur direction syndicale ».

Il faudra attendre le 15 avril pour que les ateliers soient rouverts.

Janvier 1949 – Bureau de l’usine ABF comptabilité

De gauche à droite, 1er rang : Daniel Huret affecté au courrier, Anne-Marie Travaillard, René Leclère, comptabilité cordonnerie, Gabrielle Rebiffé, comptable, Paul Leclère, comptabilité cordonnerie.

2e rang : Paule Laboucheix, Marie-Thérèse Aubertel, Irène Foiry, Jacqueline Firon, toutes quatre affectées à la comptabilité

chauffeurs usine Brinon

vers 1950 – chauffeurs usine Brinon

De gauche à droite : Charles Bertrand, Raymond Vasort, Pierre Boubouleix et Vincent Firon

La remise des médailles du travail en 1952

Le samedi 4 octobre, le sous-préfet remet la médaille du travail à 84 ouvriers et employés des établissements A. Brinon Fils, pour récompenser leurs 30, 40 et même pour l’un d’entre eux, Paul Beauvallet, 50 ans de service dans la même usine. Un service solennel de requiem est d’abord célébré à la mémoire des fondateurs décédés, des employés et ouvriers tombés durant les deux guerres, des accidentés du travail, de tous les vieux ouvriers qui ont quitté ce monde avant qu’on ait pu leur dire publiquement merci pour leur longue fidélité.

Puis à 9h dans la cour de la mairie, le maire, entouré des membres de son conseil, reçoit Jean Roy, sous-préfet de Rambouillet, auquel deux petites filles remettent une gerbe de fleurs. Après un vin d’honneur, les officiels visitent la salle des fêtes, la tour de séchage des sapeurs-pompiers, le terrain de sports, les écoles. Le maire, André Brossin, parle au sous-préfet de son espoir de réaliser bientôt une piscine. A 10h30, les personnalités arrivent aux usines Brinon où elles sont reçues par Jacques Brinon, président directeur général, et ses adjoints, Georges Deschot et Claude Brinon, son fils.

Photo de gauche : le repas est servi par Mmes Polycarpe et Bour. A table, de gauche à droite : Louis Firon, Claude Brinon, le sous-préfet Jean Roy, Suzanne Brinon, Jacques Brinon.

Photo de droite, de gauche à droite : Huguet, Marc Firon, François Laboucheix, Maurice Lamazure, Henri Leloup.

Repas de remise des médailles aux établissements A. Brinon Fils, le 4 octobre 1952. De gauche à droite : André Brossin (à peine visible), au fond à gauche, Gaston Franchet, Yvonne Brossin, Vincent Firon, Jules Dupont, (tout au fond Fernand Rebiffé), Jean Tersou, Marc Allaire, Rivière, Véronique Gaudron, X, Claude Brinon.

Dans un vaste atelier, les ouvriers sont réunis pour assister à la remise des décorations et au vin d’honneur. Le sous-préfet prononce un discours exaltant le travail et l’esprit d’union qui le fait fructifier. Il tient aussi à souligner l’importance de l’œuvre accomplie par le régime républicain dans le domaine social et à affirmer le désir de paix qui anime notre pays. Puis il décore les ouvriers et employés de l’usine, dont le maire. La cérémonie se termine par la visite des ateliers et par un banquet confectionné par la maison Vacheron. Au dessert, Jacques Brinon prononce un discours où il allie la poésie, le réalisme et un brin de nostalgie

Les difficultés financières

La situation peut paraître idéale d’autant que le 28 octobre 1952, le journal « La République du Centre » titre « Un bel exemple d’industrie intégrée dans la région d’Etampes – Aux établissements A. Brinon Fils, à Pussay, près de 500 ouvriers et ouvrières fabriquent des couvertures de laine et des chaussures » et que l’article donne une description détaillée sur plusieurs pages de l’activité.

Cependant l’entreprise n’est pas très florissante. En 1950, le krach du Bon Marché lui porte un coup puisqu’elle est un de ses fournisseurs. De 1950 à 1953, elle accepte les marchés de l’Intendance sur lesquels elle sait qu’elle perd de l’argent, pour maintenir l’outil de travail, mais pendant tout ce temps, la crise qui affecte en France l’industrie de la chaussure et du textile s’ajoute aux difficultés sociales.

Si elle fait encore illusion c’est parce que Jacques Brinon couvre les découverts de la société avec son propre patrimoine. Sa fortune personnelle n’avait pas fructifié grâce à l’usine. L’usine certes avait généré des profits à l’époque de son grand-père et de son père, mais après la guerre, la situation avait bien changé et elle n’était plus rentable. Non, sa fortune provenait en fait de ses placements boursiers. Jacques Brinon se passionnait pour la bourse et il excellait dans l’art d’étudier les entreprises, de les connaître et de les approfondir pour investir à coup sûr.

Au mois d’août 1953, des grèves spectaculaires sévissent en France mettant beaucoup d’entreprises en difficulté et en particulier l’entreprise A. Brinon Fils. Pour faire tourner à plein la branche textile dans les années 1951, 1952 et 1953, l’entreprise avait établi des prix sans marges bénéficiaires. La concurrence était rude. Elle produisait entre 500 à 600 couvertures par jour destinées aux administrations militaires et autres et à la SNCF. Le chiffre d’affaires était considérable mais sans profit. Dans la partie cordonnerie, la multitude d’articles fabriqués, 16000 paires par jour, à plein rendement en saison d’hiver, ne permettait pas d’avoir une vue très pointue sur la rentabilité de telle ou telle fabrication. Le problème se compliquait d’autant plus que la demande des clients variait considérablement : modèles nouveaux et saisonniers, coloris nouveaux. Le même article était rarement réclamé deux fois de suite. De ce fait, l’activité n’était plus aussi régulière qu’avant, les grosses séries se faisaient rares et de deux choses l’une : ou les stocks se multipliaient ou les articles n’étaient pas disponibles et livrables à la demande. Pourtant, des aménagements avaient été trouvés quand les grèves d’août ont lieu.

Il s’en faut de quelques millions que l’échéance de fin août soit entièrement honorée, mais la banque laisse retourner impayés les effets dont le montant dépasse la limite qu’elle a assignée à l’entreprise, et ce en dépit de toutes les garanties données par Jacques Brinon sur sa fortune personnelle. Devant ce fait accompli, il ne reste plus à l’entreprise, pour se soustraire au prononcé d’une faillite pure et simple, qu’à déposer le bilan, formalité obligatoire dans les 10 jours. Il est déposé le 11 septembre 1953. Les Etablissements A. Brinon Fils mis en liquidation judiciaire obtiennent l’autorisation de continuer leur exploitation jusqu’au 31 décembre pour livrer certains marchés d’Etat et éviter de lourdes pénalités.

Sources :

Archives départementales de l’Essonne : 1M158, 5M37, 16M50 et Acte des Sociétés

Archives départementales des Yvelines : Série M, 16M19, 16M59

L’Abeille d’Etampes, Archives municipales d’Etampes

Archives privées des familles : Firon, Leclère, Meunier-Gry, Trembleau que nous remercions, ainsi que Claude Brinon pour son analyse de la situation de 1949 à 1953, qu’il a bien voulu nous communiquer en 1999.

Commentaire :

François Brinon le 01/09/2011

Bonjour,
Grâce à vous j’ai appris un peu plus de choses sur ma famille, je suis le petit fils de Pierre Brinon, fils de Henri Brinon.
Mon père, Christian, ne m’avais absolument rien raconté sur sa propre famille et j’avoue avoir envie d’en apprendre encore plus.
Y-a-t-il la possibilité de rencontrer la personne qui s’est chargé de ces recherches et qui aurai sans doute d’autres informations ou anecdotes à me raconter.
Salutations.
François Brinon

10 réponses à “La mécanisation et la concentration : l’usine A. Brinon Fils”

  1. BOUSSAINGAULT Raphael dit :

    Bonjour, votre site est très bien et intéressant.
    j’ai eu pas mal d’ancêtres à Pussay.
    Pourriez vous m’envoyer quelques photos, en aggrandissant, la qualité se degrade.
    Merci,
    Raphaek

    • admin dit :

      Bonjour,

      Merci pour votre commentaire et merci de vous y être intéressé. C’est avec plaisir que nous vous enverrions quelques photos, mais dites-nous lesquelles vous intéressent plus particulièrement, car sur cet article relatif à l’usine A. Brinon Fils, il y a beaucoup de photos.

      Nous serions, quant à nous, intéressés et curieux de connaître vos ancêtres à Pussay, car ce nom n’y est pas courant.

      Cordialement et bientôt, nous espérons

      Anne-Marie et Jean-Luc Firon

  2. Brinon Claude dit :

    à Madame Anne-Marie & Monsieur Jean Luc Firon. Chère Madame, Cher Monsieur, Je voudrais apporter une rectification très importante à mes yeux. Dans l’excellent livre « Pussay 100 ans d’histoire 1900-2000″ page 156 il est écrit  » il faut attendre le 15 avril ( le 10 ) pour que les ateliers soient rouverts. Jacques Brinon ( mon père ) prend alors comme chef du personnel …. André Brossin. Cette nomination est absolument fausse. Il n’a jamais été envisagé une telle décision. Elle aurait été une grossière erreur fondamentale car Brossin était à la tête du comité d’entreprise des Ets A Brinon Fils et notoirement communiste. Ces deux raisons excluaient impérativement cette nomination. J’ignore d’où venait cette information, mai sur le fond elle est inimaginable et inconcevable.
    Je profite de ce contact pour remercier du fond de mon coeur, même si cela est à titre posthume, les cadres de l’entreprise, Louis Firon embauché par mon arrière grand père Adolphe et collaborateur extrêmement actif jusqu’aux derniers jours de la fermeture, les Loriard ( père & fils ) les contre-maîtres du textile et de la cordonnerie et du personnel productif des fabrications de leur collaboration et de leurs activités.
    Ce dernier message d’un descendant de la famille Brinon qui pendant plus d’un siècle a oeuvré pour d’abord la prospérité de Pussay et que la brutalité des crises successives principalement dans les deux branches d’activité de l’entreprise sont venues à bout et de son arrêt dramatique. Bien amicalement Claude Brinon

    • admin dit :

      Bonjour,

      Merci infiniment d’avoir laissé votre commentaire sur notre site. Nous avons un peu tardé à vous répondre, car nous voulions retrouver d’où nous tenions cette nomination. Malheureusement, pour le moment, nos recherches sont restées infructueuses ; il faut dire que nous avons écrit cela il y a presque 10 ans et nous n’avons pas encore retrouvé toutes nos sources. Nous allons continué nos recherches, mais il ne fait aucun doute que vous savez de quoi vous parlez et nous allons donc rectifier l’information.

      Par contre, vous pouvez sans doute nous dire qui était ou qui faisait fonction de chef du personnel à l’époque et, bien sûr, si vous avez des documents ou des photos pour compléter l’article, ils seront les bienvenus.

      Bien amicalement, Anne-Marie et Jean-Luc Firon

  3. montulet dit :

    Bonjour,
    je suis la petite fille de François Brinon, époux Duesberg.
    J’habite en Belgique et je vous remercie pour toutes ces informations.
    Serait-il possible de m’envoyer les photos.

    Bien à vous

    MP MONTULET

    • admin dit :

      Bonjour,

      Nous vous remercions d’avoir consulté notre site et d’y avoir laissé votre commentaire. Nous sommes prêts à vous envoyer des photos relatives à la société et à la famille Brinon, mais pourriez-vous nous dire lesquelles, car il y en a de nombreuses. N’avez-vous de votre côté aucun document sur cette époque à Pussay ? Nous vous contactons par mail.

      Bien amicalement

      Anne-Marie et Jean-Luc Firon

  4. Brinon Claude dit :

    Chers tous deux, J’espère que vous allez bien.
    Votre livvre  » Pussay 100 ans d’histoir 1900/2000 Lys Edition Amatteis 2003 de Anne Marie et Jean Luc Firon intéresse plusieurs de mes petits enfants er neveuxx, comment obtenir plusieurs
    Exemplaires de ce livre, celui-ci n’étant plus édité. Y a -til un moyen de le rééditer où de le copier?
    Mon age m’interdit maintenant de me rendre à Pussay alors que j’ai encore un cousin’ Etienne Aubertel. Seul lien actuel le téléphone avec lui.
    Je pense qu’il est le doyen du village à bientôt 97 ans.
    Bien cordialement.
    Claude Brinon

  5. Bernard CUVELIER dit :

    Bonjour à toutes et tous,

    Merci mille fois aux auteurs de « Pussay, 100 ans d’histoire ».
    Et comme mon « cousin » ou « oncle » Claude Brinon, j’aimerais bien tenir en mains un exemplaire du résultat de ce magnifique travail et le montrer à ma mère.
    Je suis Bernard (72 ans), fils ainé de Marie-Claire Cuvelier née Brinon, elle-même cinquième enfant de Francois Brinon (fils de Gustave) et Georgine Duesberg. Née en 1924 et baptisée à Pussay, elle est aujourd’hui agée de 93 ans et, malgré sa mémoire immédiate très diminuée, elle reconnait avec plaisir les noms évoqués sur les pages données sur Internet ! J’aimerais lui offrir l’ouvrage et essayer de « la faire parler », autant qu’il serait encore possible, de la période « Pussay ».
    Le nom d’Aubertel correspond au nom de jeune fille de la mère de mon grand-père François Brinon (que j’ai connue !) et ma mère se rappelle très bien, entre autres, d’Etienne Aubertel, de Claude Brinon et de Dominique Brinon. Je projette de tenter de les contacter !
    En tous cas, bravo à Monsieur et Madame Firon.

  6. David Ferrer Revull dit :

    Bonjour,

    Felicitations pour l’article. Je voudrais me mettre en contact avec vous par courriel si s’est possible.

    Je mène une recherche sur les espagnols morts au massacre d’Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944, dont Marina Téllez, née Domènech, réfugiée espagnole qui a travaillé chez Brinon du 11/04/1940 jusqu’à l’exode après l’invasion allemande.

    Elle est morte à Oradour avec ses trois enfants, son mari, et sa belle-mère.

    Merci de votre attention.

    Cordiales salutations,

    David Ferrer

    • admin dit :

      Bonjour,
      Merci pour le commentaire laissé sur notre site. Nous prenons par ailleurs contact avec vous par courriel pour vous répondre.
      Cordialement
      Anne-Marie et jean-Luc Firon

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