Cahier de doléances

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Cahier de doléances de la paroisse de Pussay

Première page du cahier de doléances de Pussay - 4 mars 1789

Doléances, plaintes et remontrances faites ce jourd’huy mercredy quatre mars mil sept cent quatre vingt neuf par les habitans de la paroisse de Saint Vincent de Pussay, en l’assemblée tenue en exécution de la lettre de Sa Majesté du vingt quatre janvier dernier et du réglemens y annexé en présence de Maître Pineau de Villeneuve prévost dudit lieu, lesquels commencent ainsy qu’il suit

Article premier

Comme tous ceux qui sont nés en France ou qui sont naturalisés, sont sans distinction de rang de qualité et de naissance, Sujet du Roy, qui les régit et qui les gouvernent, il s’ensuit que tous doivent indistinctement payer les charges de l’Etat, être assujetit et payer toutes les impositions en proportion de leurs propriétés et de leurs fortunes, cependant, par une fatalité inconcevable, et un abus impardonnable, tous les gens, élevés en dignité distinguée par leur naissance ou par leurs charges ont trouvé le secret de se soustraire jusqu’à présent à toutes les impositions et de les faire supporter en entier par le tiers Etat ce qui lui fait un fardeau qui met une quantité considérable de ses membres dans l’impossibilité d’y subvenir et d’élever leur famille : pour que la justice qui anime Sa Majesté, père souverain du peuple, et père tendre des malheureux, puisse être rendue les habitans de la paroisse de Pussay supplie Sa Majesté et les Etats généraux d’ordonner qu’à l’avenir toutes les charges de l’Etat, toutes les taxes et impositions présens et futurs seront également payé par les gentilhommes, les nobles, les annoblis, les privilégiés, le clergé, de toutes classes, et les gens de main morte, comme par les membres du tiers Etat, qu’ils seront compris aux mêmes rolles en proportion de leur fortune propriété et faculté, et contraint au payement des sommes auxquels ils seront imposés par les mêmes voyes et devant les mêmes juges que le tiers Etat.

Article 2

La chereté exorbitante du sel fait un impôt qui surcharge considérablement le peuple et particulièrement la classe des laboureurs fermiers et cultivateurs, et qui opprime de même la classe nombreuse des malheureux, cependant le sel étant d’une absolue nécessité pour la culture des terres en ce que l’usage en est nécessaire pour les bestiaux, il arrive que malgré sa nécessité et vu sa cherté ils ne peuvent en donner à leurs bestiaux ce qu’il leur seroit nécessaire, de là vient la perte des bestiaux et un désavantage dans la culture qui les ruine, pourquoy ils attendent de la bonté paternel du Souverain, des lumières et de l’équité des Etats généraux que les gabelles seront supprimées, et que le sel sera rendu marchand ; le Roy ne peut quy gagner, et son peuple se trouvera soulagé et la production en deviendra plus abondante,

Article 3

Il est un fléau d’une autre espèce qui fatigue et ruine tout les cultivateurs en ce que à peine ont-ils répandu leur semance dans leurs terres que les pigeons viennent en dévorer la mâjeure partie, qu’à peine leurs grains sont-ils en verd, les lapins, les lièvres et les perdrix viennent manger et consommer une partie de ce même grain, que des qu’ils sont en tuyau, quand ils approchent de leur maturité et même pendant la moisson, les chasseurs et les chiens les ravagent, ce qui est cause de la modicité des récoltes, et fait un déficit considérable à la production, et comme les cultivateurs doivent être encouragés ils demandent que les seigneurs soient tenus de fermer leurs colombiers depuis le premier mars jusqu’à la fin d’avril, et depuis la Saint Jean jusqu’à la Toussaint, ou au moins qu’il n’y ait qu’un seul colombier dans chaque paroisse, et que le droit de chasse ne soit plus un droit particulier au seigneur, et que chaque particulier propriétaire ou cultivateurs ait le même droit de chasse et même de tuer l’animal qui se nourrit à ses dépens et qui lui fait dégât et dommage.

Article 4

La disette des grains, et la foiblesse des récoltes n’est souvent occasionnée que par le défaut d’engrais des terres, les droits de champart et de dixmes en sont souvent la cause, en ce que les paîlles provenus de dixmes et champart en sont détournés et ne rentrent jamais à celui qui a payé le droit, les champarts et dixmes mettent des entraves aux cultivateurs occasionne des rixes et des procès et font naître des animosités il conviendroit donc de convertir les droits de champarts et de dixmes en une prestation annuel, soit en argent ou en grain sec, alors les paîlles et fourages resteroit au cultivateur, ces terres seroit mieux fumées et la production plus abondante,

Article 5

Les droits de bannalité sont odieux par eux-mêmes et gênent le liberté de tous les habitans, il est contre nature qu’un françois ne soit pas libre et qu’il reste au contraire dans une espèce d’esclavage, pourquoy par justice et pour l’honneur du nom françois tout droit de bannalité doivent être éteint et supprimé afin que les habitans de France soit véritablement franc et libre.

Article 6

Il seroit également essentiel qu’il fut étably une sage administration dans toutes les parties de la finance et même qu’il n’y eut plus aucun traitant que tous les droits d’échange d’insinuation de contrôlle et autres fussent plus connu et mieux réglés, ainsy que les droits de corvée qui n’ont seulement rendu les gens de la campagne esclâves mais encore qui leur enlève une partie de leurs subsistances et de leurs familles, la suppression de la corvée est donc nécessaire et pour en tenir lieu dans le règlement qui se feront pour les impositions il est facile d’y comprendre la dépense que peuvent occasionner lesdites corvées, alors les trois ordres en payeront également chacun leur part.

Les présentes doléances plaintes et remontrances des habitans de la paroisse de Saint Vincent de Pussay ont été par eux arrêtés et déterminés et signés par ceux desdits habitans qui savent signer et par nous prévôt juge dudit Pussay, après avoir côté les pages par première et dernière et les avoir paraphé ne varietur au bas d’icelles lesdits jours et an,

Signé Delanoue, P.P. Dujoncquoy, L. Chaudé, Cochin, F. Blin, Jacques Buret, Delaporte, Louis Gry, Jacques Davoust, Pierre Buret, Denis Drot, J. Colas, François Thomas, Vincent Chaudé, C. F. Séjourné ; C. Le Moine

Dernière page du cahier, avec les signatures

Les autres cahiers de doléances des paroisses des cantons d’Angerville et de Saclas

Première page du cahier de doléances d'Angerville - 4 mars 1789

En 1789, dans tous les cahiers de doléances écrits par les communes des cantons d’Angerville et de Saclas, une requête revient constamment : que les impôts et autres charges de l’état soient indistinctement supportés par tous les sujets du roi et dans une exacte proportion sans avoir égard aux privilèges du clergé et de la noblesse qui seront supprimés ; que la taille qui désolent les campagnes soit sinon supprimée, au moins modérée, eu égard aux facultés de ceux qui la supportent et Saclas précise que «  le malheureux qui sous le poids du travail le plus rude, les trois quarts n’ont pas de reste au dessus du plus modique nécessaire pour la vie journalière, [n’a pas] de quoi subsister souvent huit jours s’il survient une maladie qui le mettent dans le cas de ne pouvoir travailler et qui ne subsistent dans ces cas que des secours que leur procurent les moins malaisés de leurs concitoyens qui ont la douleur d’être témoins de cette misère qui afflige l’humanité « .

Toujours dans ce chapitre des impôts, Bois-Herpin demande que le droit odieux de champart qui enlève au cultivateur les prémices de ses récoltes et expose le reste aux intempéries des saisons et à sa ruine totale soit supprimé. Blandy tempère et souhaite que les droits de dîmes et champarts soient convertis en une redevance annuelle en argent ou en grains afin que les laboureurs ne perdent plus les pailles et fourrages des dîmes et champarts et qu’ils puissent donner à leurs terres tout l’engrais qui leur est nécessaire. Estouches réclame la suppression pure et simple de la dîme et du champart. Monnerville propose quant à elle de couvrir les toits des maisons en tuile et non plus en chaume pour éviter les incendies d’une part et surtout réserver ces pailles en fumiers pour l’engrais des terres. La suppression de l’impôt sur le sel est une revendication unanime, celui-ci étant utilisé pour les animaux et pour garantir le blé de la carie.

Tous les cahiers s’accordent aussi à demander qu’il soit permis à tout cultivateur de veiller à la conservation de ses récoltes, de chasser de ses terres les gibiers et autres animaux qui les dévorent, qu’il soit défendu à un seigneur d’avoir plus d’un garde dans chaque paroisse pour la conservation de ses bois. Ils veulent également mettre des bornes à la présence des colombiers ou donner aux les cultivateurs la possibilité d’éloigner de leurs terres les pigeons qui les obligent à semer un tiers de plus que nécessaire. Arrancourt réclame même que les pigeons soient renfermés dans les colombiers, depuis que les grains commencent à mûrir jusqu’à la fin de la récolte et pendant le temps des semailles.

Beaucoup veulent la suppression des petites justices dont les pauvres habitants des campagnes dépendent et les réunir à leur chef lieu. Elles ne sont pas tenues exactement, attendu que les officiers ne veulent pas s’y rendre sans avoir un certain nombre de causes à juger ce qui fait que le client attend longtemps son jugement ; la suppression de la milice qui ruine les jeunes gens des campagnes par l’usage qu’ils ont de faire tous les ans un sort entre eux pour celui qui y tombera alors qu’ils seraient plus utiles à cultiver la terre. Bois-Herpin ajoute qu’il soit pourvu d’une manière moins rigoureuse à fournir au roi des soldats que par la voie du sort. La milice enlève aux pères et mères les enfants qui sont le soutien et la consolation de leur vieillesse, l’abus des bourses est devenu un impôt aussi lourd que la taille.

Les cahiers insistent aussi sur un abus introduit dans les campagnes par les gardes des eaux et forêts, qui empêchent un petit particulier de couper un arbre lui appartenant de sorte que pour le faire il est contraint d’aller leur demander une permission qu’ils ne lui accordent pas sans le faire payer.

Estouches estime qu’il est urgent que les blés ne soient vendus que sur le carreau des halles et marchés publics et non pas chez les laboureurs comme cela se pratique depuis longtemps. Le prix du blé est au dessus des facultés des pauvres pères de famille. Fontaine-la-Rivière ajoute que les chemins de cette paroisse à Etampes sont dans le plus mauvais état, que dans les temps pluvieux il est impossible d’y conduire les grains, ce qui souvent en occasionne la cherté par le peu qui se trouve sur le marché ; qu’encore que le pays soit assez abondant en grains, néanmoins il y est plus cher que dans les provinces circonvoisines, par la grande quantité que les marchands en font passer chez l’étranger au mépris des règlements qui le défendent ce qui occasionne la cherté du pain.

Sa majesté a supprimé la corvée en nature, pour y substituer un impôt qui en tient lieu et est payé par les roturiers seulement. Les nobles et le clergé ne ruinent-ils donc pas plus les chemins que le malheureux qui chemine à pied se demande Bois-Herpin. Et Guillerval ajoute que la commune paye 400 livres de corvée pour l’entretien des ponts et chaussées du royaume, sans que jamais aucun droit à ce sujet n’ait été appliqué aux réparations et entretien des chemins et rues de la paroisse. Elle demande donc à en être déchargée ou à la voir appliquée aux chemins et rues de Guillerval, ou encore à l’entretien des fossés.

Chalou pense qu’il serait avantageux pour tout le public, que la mendicité fut absolument défendue, même sous des peines graves, et que les états généraux prissent à ce sujet et pour le soulagement des malheureux, les moyens que leur sagesse leur suggéreront et Monnerville suggère justement l’établissement de bureaux de charité dans chaque paroisse, pour lesquels il conviendrait d’ordonner une imposition en raison des facultés de chaque habitant et de ses propriétés.

Enfin, l’aspect religieux est également abordé. Méréville explique que les mœurs influent beaucoup sur les gens de la campagne. Il serait donc intéressant pour eux d’avoir des pasteurs dont la conduite, les mœurs et les actions répondent à la sainteté de leur ministère et donnent un exemple à suivre par le troupeau qui leur est confié. Cela ne semble visiblement pas être le cas à Méréville, qui demande que les curés soient plus exactement surveillés. Estouches ajoute qu’il conviendrait de faire un sort suffisant, honnête et raisonnable à chaque curé en fonction de la paroisse qu’il dessert afin, d’un côté, que les sacrements soient administrés gratuitement aux fidèles et que, d’un autre côté, les curés soient chargés de l’entretien, réparations et reconstruction de leurs presbytères. Ces charges sont très onéreuses et lourdes pour les habitants de chaque paroisse. En obligeant Messieurs les curés à se loger eux-mêmes ce ne serait que les mettre au niveau de tous titulaires usufruitiers qui sont obligés à l’entretien des bâtiments de leurs bénéfices.

Dernière page du cahier de doléances d'Angerville, avec les signatures

Source : Archives Départementales de l’Essonne – Série B3165

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